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Interview

2010-2019 : dans le tourisme, le numérique s'est imposé « au coeur de toutes les stratégies »

LE BILAN DE LA DECENNIE Sous la houlette de Google et de quatre plates-formes dominantes, les américaines Booking, Expedia et Airbnb, et la chinoise Ctrip, le secteur du tourisme s'est mondialisé. Les acteurs du voyage ont dû s'adapter en prenant le virage du e-tourisme. Mais, pour le patron d'Easyvoyage, la technologie ne suffit pas. Le voyage, c'est aussi « une quête de sens ».

Par Christophe Palierse

Publié le 3 janv. 2020 à 12:13

Quel est, selon vous, l'élément marquant de la décennie écoulée dans l'univers du voyage ?

Clairement, le fait que le « e-tourisme » soit devenu le tourisme ! Le numérique s'est imposé au coeur de toutes les stratégies. Je vois un autre phénomène majeur connexe : la mondialisation complète du tourisme, autrefois orchestré par marché national. Aujourd'hui, il est mondialisé sous la houlette de Google et de quatre plates-formes dominantes : les américaines Booking et Expedia, des « historiques » du secteur, la chinoise Ctrip , et enfin, Airbnb , une autre plate-forme, américaine. Pour mémoire, Booking est, depuis l'été 2018, le premier site de e-tourisme en France, selon les enquêtes d'audience de Médiamétrie, ayant détrôné la SNCF, le leader historique. Tout un symbole ! De même, le Top 30 des sites en France ne compte qu'un seul tour-opérateur, TUI. Un autre symbole aussi. Le modèle du tour-opérateur est celui qui a été le plus affecté par ce séisme numérique. En 2001, on pensait que l'agence de voyages aurait disparu en 2010. En fait, elle a résisté. Même aux Etats-Unis, il y a eu un retour de l'agence. On pensait aussi que le numérique serait une bénédiction pour les tour-opérateurs, qu'il allait les émanciper des distributeurs en leur donnant un accès direct aux clients, il n'en a rien été.

Pourquoi ?

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Il y a deux enjeux dans cette affaire : le lien avec le client et la technologie. Ceux qui ont un lien avec le client sont a priori gagnants. Les OTA's [agences de voyages en ligne, NDLR] ont été gagnantes d'entrée, quitte à s'en donner les moyens. Booking, c'est 8 milliards de dollars de coûts de référencement, Expedia 6 milliards, pour un chiffre d'affaires d'Alphabet [la maison mère de Google, NDLR] de l'ordre de 140 milliards. C'est considérable. L'autre point important, c'est la technologie. N'importe qui peut se déclarer voyagiste en faisant de l'assemblage « avion + hôtel » sur Internet. Le voyage est devenu une expression technologique. En outre, les plates-formes se sont diversifiées.

Qui sont les vrais gagnants de la révolution numérique ? Même Expedia paraît bousculé par Airbnb et Booking…

Certes, mais je constate qu'Airbnb, qui a investi plus de 4 milliards de dollars, n'a pas encore fait la démonstration de sa rentabilité, alors qu'Expedia gagne de l'argent depuis longtemps. Mais, il y a quelque chose qui interpelle dans cette révolution numérique : le voyage n'est plus que prix et techno. Pourtant, le prix, c'est le degré zéro de la considération du produit. Et il y a plus bête : la réduction ! Or, le voyage est une quête de sens. Il faut le réinventer en prenant en compte les problématiques écologique et éthique, et sans pour autant renier la technologie. Il y a d'autres voies possibles comme le montre le groupe Voyageurs du Monde, y compris pour des produits plus accessibles comme ceux de sa marque Comptoir des voyages.

Google ne cesse d'étoffer son offre de services dans le voyage. La libre concurrence et le libre choix du consommateur sont-ils menacés ?

C'est évident. Je fais d'ailleurs parti de ceux qui ont dénoncé l'hégémonie de Google auprès de la Commission européenne. L'ogre a toujours plus faim d'autant que sa capacité à faire croître le nombre de requêtes n'est plus exponentielle. Il cherche d'autres sources de revenus. En outre, l'essor du mobile, qui est un autre fait majeur de la décennie, est de nature à conforter cette hégémonie. Le mobile tend à réduire la surface d'expression numérique. Qu'est-ce qui marche aujourd'hui ? Les FAQ [pour « Frequently Asked Questions », NDLR]. Or, c'est l'étape avant la voix avec Google Home ou Alexa chez Amazon. D'ailleurs, Amazon pourrait être, à son tour, un acteur dominant du e-travel. Amazon peut se payer Booking ou Expedia. Ce n'est pas pour rien que Cdiscount a mis le paquet ces dernières années pour se développer dans le voyage.

Créé en 2000, Easyvoyage s'est adossé à Webedia en 2015. Qu'est-ce que cela a changé pour vous ?

C'était une question de survie dans un contexte de consolidation. L'enjeu, c'est la course à l'audience. Easyvoyage, c'est aujourd'hui 3,5 millions de visiteurs uniques par mois, Webedia 26 millions, pour une population d'internautes de 44 millions pour Google en France. Webedia, qui est devenu une constellation de pionniers du Net français avec des sites comme AlloCiné et Jeuxvideo.com, nous a en outre permis de bénéficier d'expertise et d'investissements en matière de gestion de la « Data ». Il nous a donné les moyens de nous réinventer. Et nous continuons, avec le lancement prochain d'un « Eco comparateur » faisant de l'empreinte carbone un facteur de comparaison et de choix supplémentaire de son vol. Pour rivaliser avec ces monstres numériques, nous avons dû revoir aussi nos ambitions. Nous voulions être un acteur européen, nous nous sommes recentrés sur la France et l'Angleterre.

Christophe Palierse 

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