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La parfumerie se convertit avec prudence à l'intelligence artificielle.

A Grasse, les industriels de la parfumerie s'interrogent sur l'impact de l'intelligence artificielle et du Big Data sur une activité qui trouve ses racines dans la tradition.

Les nez s'inquiètent du risque de standardisation que la technologie de l'IA pourrait provoquer dans la production des maisons de parfum.
Les nez s'inquiètent du risque de standardisation que la technologie de l'IA pourrait provoquer dans la production des maisons de parfum. (Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA)

Par Christiane Navas

Publié le 7 janv. 2020 à 09:15

Demain, un nez électronique pourra-t-il avec le même succès qu'un parfumeur créer une nouvelle fragrance ? A Grasse, terroir historique de la fabrication de parfums, qui regroupe 70 entreprises et 5.000 emplois pour 2,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires, la question taraude les professionnels.

Tous en conviennent : avec le Big Data et l'intelligence artificielle , une nouvelle révolution industrielle s'amorce. La précédente remonte à l'arrivée des ingrédients de synthèse à la fin du XIXe siècle. « Oui, un ordinateur peut apprendre à décoder les odeurs », avançait, fin 2019 Sébastien Fiorucci, chercheur à l'université Côte d'Azur, lors du colloque du pôle Terralia-Pass, réunissant entreprises et chercheurs des arômes et parfums.

Philyra, le parfum créé par IA

Des industriels ont déjà franchi le cap. Symrise, l'un des leaders mondiaux dans la composition de parfums, a fait appel à IBM pour développer une intelligence artificielle, baptisée « Philyra », à qui l'on doit une première création, mise sur le marché en juin 2019 à destination des Millennials pour la marque O Boticario au Brésil. « Philyra ne remplace pas le parfumeur, mais l'assiste dans son travail de formulation », insiste Ricardo Omori, vice-président fragrance fine de Symrise.

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Concrètement, l'IA permet de raccourcir les délais de création en optimisant les choix de formulation. Il n'a fallu que quatre mois à Philyra pour en proposer 180 à partir de la base de données à sa disposition. Mais c'est au parfumeur maison qu'est revenu l'arbitrage final parmi les trois options obtenues après le processus de sélection.

Des professionnels sur la réserve

« L'IA permet d'exploiter au mieux la palette des parfumeurs et de comprendre plus finement les règles de composition », reconnaît Marielle Belin, experte en stratégie de marque dans l'univers du parfum. « Mais attention au risque d'appauvrissement des sources si l'acte de création est coupé des bases culturelles propres à chaque créateur », prévient-elle. Autrement dit, dictée par des impératifs marketing, la standardisation des fragrances, pourrait bien s'accélérer. Alors que les consommateurs manifestent déjà une désaffection pour des produits standardisés, comme le confirme le décrochage continu des ventes au profit de l'offre de niche.

L'autre réserve concerne les investissements nécessaires pour développer des outils d'intelligence artificielle. « Cela suppose de débloquer d'importants budgets avec le risque de voir les PME marginalisées face aux géants mondiaux de la composition », regrette Frédéric Badie, directeur R&D de Payan Bertrand, fabricant de matières naturelles pour la parfumerie à Grasse. Un enjeu pour cette petite entreprise familiale, comme pour de nombreuses sociétés, créées dans le bassin grassois ces 40 dernières années par d'anciens salariés de grands groupes (comme Parfex ou Fragrances Essentielles) suite aux recompositions dues à la mondialisation.

Le Big Data au service de la traçabilité

L'apport positif des données massives n'est pour autant pas contesté. Chimistes et généticiens travaillent plus souvent main dans la main. Sophie Lavoine, directrice R&D chez Robertet à Grasse, a ainsi fait appel à DNA Gensee, un laboratoire expert dans l'analyse ADN des plantes pour authentifier de nouvelles variétés de poivres en provenance du Sichuan en Chine. « Les plantes ont une signature génétique unique, le recours à l'analyse ADN va permettre d'authentifier les lots et de lutter contre les fraudes, donc de sécuriser nos approvisionnements. » Face à des normes internationales de plus en plus strictes quant à l'innocuité des ingrédients utilisés pour le consommateur, cette collaboration entre chimistes et généticiens est promise à un bel avenir.

À noter

Le savoir-faire lié au parfum en Pays de Grasse (qui remonte au XVIe siècle) est inscrit depuis 2018 au patrimoine de l'Unesco

Christiane Navas (Correspondante à Nice)

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