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“Les personnes autistes peuvent apporter une grande richesse à leur entreprise”

Très peu de personnes autistes travaillent en France, alors que toute entreprise d’au moins 20 salariés est tenue d’employer des travailleurs porteurs d’un handicap, dans une proportion de 6 % de l’effectif total. Pourtant, selon Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme, leur trouble peut être un atout pour les organisations.

 

Y a-t-il beaucoup de personnes autistes dans les entreprises ?

Lors de mes recherches et de mes activités, j’ai rencontré des personnes avec troubles du spectre de l’autisme à des postes très variés : certains sont traducteurs, d’autres informaticiens, comptables ou bibliothécaires. Certains travaillent dans de grandes entreprises comme Orange ou Microsoft.

Mais force est de constater que les entreprises recrutent encore peu d’autistes. Selon une estimation du collectif d’associations Autisme Europe, seuls 10 à 24 % d’entre eux travaillaient en 2014. Du côté de ceux qui ont été diagnostiqués Asperger, c’est-à-dire sans retard mental et donc compatibles avec un travail tertiaire, nous avons des statistiques. Là, nous sommes vraiment à la traîne : seuls 1 % ont une activité professionnelle, contre 18 % en Grande-Bretagne. Et il ne s’agit que de ceux identifiés comme tels, car certains ne déclarent pas leur handicap par peur d’être discriminés. En outre, ceux qui travaillent sont peu intégrés dans leurs entreprises.

 
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L’autisme serait-il encore un trouble méconnu des entreprises ?

L’autisme est un trouble du neuro-développement qui se caractérise par des difficultés dans les interactions sociales et la communication. Il existe différents niveaux de sévérité des symptômes, d’où la notion de « spectre ». Comme je le disais, quand les symptômes sont légers comme dans le cas du syndrôme d’Asperger, il est tout à fait possible d’intégrer le monde du travail.

Mais il existe encore dans les entreprises des peurs disproportionnées, qui incitent beaucoup de personnes Asperger à cacher leur handicap (peu visible). Certains ont été diagnostiqués tardivement, mais leur trouble ne les a pas empêché de faire carrière. Certains sont même devenus patrons. La plupart a adopté des stratégies d’imitation, en calquant les codes et les comportements des autres.

Les troubles autistiques sont encore méconnus. Ils font encore peur à de nombreuses entreprises, qui m’ont déjà avoué préférer recruter des personnes « normales » en fauteuil roulant, car cela ne nécessite aucun accompagnement, ni aucune vigilance à fournir pour qu’elles s’intègrent dans une équipe. Les PMR (personnes à mobilité réduite) sont en fait celles qui posent le moins de problème aux organisations, et a contrario, les personnes autistes, même Asperger, sont perçues comme malades, imprévisibles, voire dangereuses.

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De quel accompagnement et de quels aménagements parlons-nous ?

Certains travailleurs autistes réussissent en entreprise car ils ont trouvé le bon emploi qui leur correspond : les comptables, par exemple, sont à l’aise dans leurs tâches car ils calculent très vite et aiment les procédures. Les informaticiens rencontrent également peu de problèmes, car leur poste n’est pas lié à la communication. Mais pour d’autres, les choses peuvent tourner à la catastrophe, quand les tâches ne sont pas assez procédurales, ou qu’existe une mésentente avec l’équipe.

Pour les personnes autistes, évoluer en entreprise n’est jamais simple : elles doivent fournir un effort pour s’adapter à notre système de socialisation et à notre façon de travailler. Alors que cela devrait être à nous de nous adapter à leur mode de communication et à leur système de pensée particulier (ils ne comprennent pas toujours l’ironie ou l’humour, par exemple ; et inversement, ils sont parfois trop francs). Leur intégration nécessite un vrai accompagnement, pendant de longs mois, afin de s’assurer qu’ils s’intègrent bien dans leur équipe et leur travail.

À Lille, SOS Autisme a mis en place avec Pôle emploi un accompagnement d’un an, qui consiste notamment à informer les patrons ayant embauché un personnel autiste, et à leur fournir des outils pédagogiques.

Pour inclure les personnes autistes, les managers et les dirigeants ont d’abord tout intérêt à sensibiliser les autres salariés, afin de leur expliquer comment agir en fonction de leurs comportements, mais aussi de leur permettre de les comprendre. Ensuite, ils peuvent prévoir la mise en place de salles de repos, de coins pour s’isoler, où elles pourront par exemple décompresser et souffler en cas de crise ou de sur-stimulation. Ils peuvent aussi leur permettre de faire du télétravail, ou leur accorder des horaires adaptés. Pour une entreprise, ces aménagements sont accessibles, et ne sont finalement pas si compliqués à mettre en œuvre.
 

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En quoi les personnes autistes peuvent-elles être un atout pour les entreprises ?

Si tout se passe bien avec l’équipe, et en l’absence de moqueries, elles peuvent apporter une grande richesse à leur entreprise de par leurs compétences spécifiques.

De par leur goût de la procédure, les autistes sont très performants quand tout est bien cadré, car ils sont beaucoup plus pointilleux que les « neurotypiques ». Ils ne ménagent pas non plus leur peine et travaillent énormément, au point qu’il faut même parfois les arrêter.

Du reste, ils ont aussi un grand sens de l’organisation, sont capable de rester concentrées très longtemps sur une tâche, et ont une très bonne mémoire. Enfin, ils ont parfois des sens exacerbés (l’odorat, surtout), ont un très bon sens de l’observation, et voient souvent des choses que nous ne percevons pas.

 

Comment, selon vous, pourrait-on améliorer leur intégration professionnelle ?

Cela commence dès l’école, où il existe encore peu de filières d’apprentissage, ce qui rend ensuite leur accès à l’emploi difficile. Mais il faut avant tout sensibiliser les entreprises, et les inciter à embaucher des personnes autistes. Pourquoi pas à travers des mesures coercitives, sur le modèle de l’index de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui impose des pénalités aux employeurs qui ne favorisent pas assez l’égalité salariale. Mais il faut surtout essayer de faire comprendre aux organisations qu’elles ont tout intérêt à embaucher des autistes, pas par bonté d’âme, mais parce qu’elles ont des atouts, une richesse à leur apporter.

 

 

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