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"Ingénieure en BTP : comment j’ai trouvé ma vocation par hasard"

TÉMOIGNAGE // Salomé fait partie des 5% de femmes ingénieures dans le secteur de la construction. Ce choix s'est fait plutôt par défaut mais aujourd'hui, à 30 ans, elle est heureuse d'évoluer dans un milieu où elle a su trouver sa place.

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Seuls 22% des ingénieurs françaises sont des femmes. Ici Salomé, devant un chantier. (D.R.)
Publié le 8 janv. 2020 à 18:12Mis à jour le 8 janv. 2020 à 18:14

"Après mon bac, je souhaitais m’orienter vers des études de médecine, filière résolument très féminine. J’ai également mis le nom de la classe préparatoire (math sup/math spé) du Lycée Saint Louis dans mes choix car mon arrière-grand-père y avait été professeur en mathématiques. J’ai été prise pour des raisons de quotas car la prépa ouvrait ses portes pour des lycées dits de zones défavorisées et, sur les conseils de mon père, j’ai intégré la classe préparatoire Saint-Louis.

J’avais en tête qu’il était possible de rebondir vers une fac de médecine si math sup/math spé ne fonctionnait pas mais il était impossible de faire le contraire. Par la suite, j’ai dû choisir parmi les écoles dans lesquelles j’avais été admise au concours, à l’issue des deux années. N’ayant toujours pas choisi ma vocation, j’ai établi un classement des écoles par ordre de difficulté pour y entrer.

Un équilibre vie pro/vie perso satisfaisant

C’est après avoir contacté les étudiants des écoles les mieux classées que j’avais obtenues – qui étaient des écoles d’informatique – que j’ai réalisé un peu tard que ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. A la cinquième place de mon classement se trouvait l’ESTP (École Spéciale Travaux Publics) et je me suis dit "Pourquoi pas les travaux… ?". Une fois l’école intégrée et mon premier stage sur le terrain effectué, plus de doute, j’ai compris que j’avais trouvé ma vocation !

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A la sortie de l’école, j’ai intégré le groupe Bouygues en tant que conducteur de travaux. Après cinq années intenses au sein du groupe, j’ai souhaité rejoindre une entreprise offrant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle tout en restant sur les chantiers qui sont ma véritable passion. Après une mission de trois mois qui s’est très bien déroulée tant au niveau du rythme que des tâches attribuées, Arcadis, un cabinet d’ingénierie, m’a recrutée.

Les jeunes filles s’identifient aux métiers qu’elles connaissent

Comme beaucoup de jeunes filles à 18 ans, je pensais initialement m’orienter vers un métier que je connaissais et je n’avais absolument pas considéré le domaine de la construction. En effet, la multitude des métiers de l’ingénierie n’est pas connue et non valorisée auprès des jeunes filles. En règle générale, il y a très peu de figures scientifiques féminines. Or, il faut que les femmes soient mises en avant dans ce secteur pour que les jeunes filles puissent s’identifier et s’orienter ensuite vers ces métiers.
C’est un travail qu’il faut faire à l’école, dans la famille et dans les médias afin que les jeunes filles et les femmes prennent conscience que les carrières scientifiques ne leur sont pas fermées.

Une femme sur un chantier c’est bénéfique !

Les métiers de la construction ont des très bons côtés mais aussi des côtés un peu plus durs. Au démarrage, il faut s’accrocher. Dans mes débuts, certains ouvriers ne souhaitaient pas travailler pour une femme et restaient donc assis toute la journée. On m’a également appelée « la fille » pendant quelques mois. Ceci était très difficile au départ et je perdais rapidement mes moyens. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas car mon expérience me permet d’avoir de l’assurance.

J’ai persévéré et aujourd’hui une chose est sûre : - et les ouvriers de mes chantiers me le disent souvent - une femme sur un chantier c’est bénéfique ! Cela apaise l’atmosphère ; il n’y a pas ce rapport de force qui peut exister entre hommes.

De la nécessité de rendre le métier d’ingénieur plus attractif auprès des jeunes filles

Il faut que les entreprises, les écoles mais également les médias s’allient pour montrer qu’il y a une place pour les femmes dans le milieu de l’ingénierie. Les médias ont un rôle primordial à jouer en valorisant des figures féminines scientifiques « modèles » ou des ambassadrices qui mettent en avant leur parcours et leurs passions.

Il faut également que les écoles consacrent plus de temps dans l’orientation des élèves et pas uniquement avec les élèves en difficulté. Pour ma part, en tant que bonne élève, je n’ai jamais eu de rendez-vous avec un conseiller d’orientation au cours de ma scolarité. Si mon père n’avait pas été présent pour me présenter le métier d’ingénieur, je ne me serais peut-être pas engagée dans cette voie."

Salomé Senckeisen

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