« Le travail est sexué, les savoirs et les compétences sont sexués, donc l’orientation est sexuée. » Simple et lapidaire, l’équation est posée par la psychologue Françoise Vouillot dans un article de 2007 de la revue Travail, genre et société. Elle y décrit « l’impensé du genre » qui caractérise la recherche en psychologie de l’orientation en France, longtemps focalisée sur des déterminismes sociaux dont le genre ne faisait pas partie.
Comme si le constat était immuable, plus de dix ans plus tard, la réforme du lycée vient confirmer l’idée que les filles et les garçons n’affichent pas les mêmes ambitions scolaires. Dans leurs choix d’enseignements de spécialité en classe de 1re, elles sont ultramajoritaires au sein de la triplette humanités-littérature-philosophie, langues, sciences économiques et sociales (85 % contre 15 %) tandis que les garçons le sont en mathématiques-numérique-sciences informatiques-physique-chimie (87 % contre 13 %).
La suite est déjà écrite, ou presque : dans l’enseignement supérieur, on compte 28 % de femmes dans les écoles d’ingénieurs alors qu’elles sont 85 % dans les formations paramédicales et sociales. A contrario, à l’université, en 2017-2018, elles représentaient 70 % des étudiants en langues, lettres et sciences humaines. Et si leur part a légèrement progressé dans les formations scientifiques, elles n’étaient que 28 % en sciences fondamentales.
Tolérance sociale
« A chaque carrefour d’orientation, au lycée puis dans l’enseignement supérieur, les études scientifiques perdent des candidates et les genres s’affirment », résume Isabelle Colombari, inspectrice d’académie en charge de l’égalité filles-garçons à Aix-Marseille. Et même s’il existe une mixité dans toutes les professions, il n’y a de parité nulle part.
Pour un grand nombre d’élèves, de parents, d’enseignants et de psychologues de l’éducation nationale, « la division sexuée de l’orientation ne pose pas de questions car elle est vue comme l’expression normale des différences de sexe », appuie Françoise Vouillot. Conséquence, selon la chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers : les différences observées bénéficient toujours d’une « tolérance sociale élevée » alors qu’une des finalités primordiales de l’éducation à l’orientation « devrait être très explicitement la disparition de ces différences/inégalités ».
A 3 ans déjà, un élève de petite section comprend que ce sont plutôt les femmes qui s’occupent des petits enfants, étant donné leur écrasante majorité parmi les personnels. « Tout ceci justifiera plus tard les choix d’orientation », décrit Isabelle Colombari. Plus tard, toute action en faveur de l’égalité menée auprès des élèves de 2de jouera un rôle dans le choix de leurs études, puis de leur futur métier.
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