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Tribune

Opinion | Conseiller financier dans la banque : un métier en grand péril

Avec l'avènement de l'intelligence artificielle, les banques risquent d'être reléguées à leur plus simple expression : celle de fournisseur de produits financiers. Fini le conseil humain. Fini l'agence. Il faut se préparer à cette révolution, avertit François Jaussaud.

Businessman planning and analyse investment marketing data.
Businessman planning and analyse investment marketing data. (Getty Images/Cavan Images RF)
Publié le 16 janv. 2020 à 10:00

La prochaine offensive des Gafa (et des BATX, leurs homologues chinois) visera les banques et plus globalement le secteur marchand de grande consommation. La bataille qui s'annonce pourrait changer radicalement notre rapport à l'épargne, voire déstabiliser nos économies. Pour comprendre, voici un scénario fictif… mais technologiquement réaliste.

Nous sommes le lundi 28 février 2022, il est 13h30. Confortablement installé dans votre bureau, vous vous accordez une pause sur votre smartphone. Votre assistant personnel en profite pour vous interpeller : « Votre salaire vient d'être versé. Souhaitez-vous consacrer 2 minutes à la gestion de vos comptes ? »

Est-ce de la science-fiction ? Non

Cet assistant est une intelligence artificielle qui vous connaît très bien : pour bâtir ses recommandations, il intègre vos centres d'intérêt - via les réseaux sociaux, vos recherches et vos communications - vos habitudes de consommation, vos trajets (réservations, géolocalisation), mais aussi vos dépenses contraintes (abonnements, loyer, assurances…), votre propension à épargner, appétence aux risques, capacité d'emprunt… Il peut aussi vous proposer de réaliser des projets : épargner pour les études des enfants, les prochaines vacances au soleil ou le remplacement de votre vieille voiture… Naturellement, il met en concurrence vos fournisseurs de services et ceux qui aimeraient vous avoir comme client…

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Vous acceptez son invitation et il vous propose différentes options de préallocations de vos revenus. Il vous conseille d'ouvrir un compte sur un livret « boosté » de la Banque B et d'y transférer une partie de votre épargne de la Banque A, puis de saisir une promotion de dernière minute pour un week-end au ski dans votre hôtel préféré, payable en 3 fois sans frais… C'est simple, rapide, pertinent. Est-ce de la science-fiction ? Non. Pour deux raisons.

La banque réduite à sa plus simple expression

D'une part, le service rendu par l'assistant digitalise et démocratise les services à très forte valeur ajoutée des « family offices » - ces structures de conseil et d'assistance actuellement réservées aux grandes fortunes.

D'autre part, ce scénario est viable. La réglementation européenne DSP2 permet aux établissements de paiement de proposer des agrégateurs bancaires pour jongler avec ses comptes et initier des paiements. Les Gafa ont aussi lancé leur offensive bancaire : Facebook avec sa monnaie libra, Apple Pay depuis 2014, Android/Google Pay depuis 2015, Amazon et sa carte Visa gratuite depuis 2018.

Dans ce scénario, quel rôle pour les banques ? Elles sont ici réduites à leur plus simple expression : producteur de produits financiers. Fini le conseil humain. Fini l'agence. Les produits bancaires sont devenus des produits de consommation comme les autres. Ils sont rangés entre l'abonnement pour les lames de rasoir et les capsules Nespresso, et ils sont comparés entre eux tels des hôtels sur TripAdvisor.

Mais les Gafa ne reprennent pas toutes les missions des banques. On attend (on espère) d'un conseiller - réel ou virtuel - qu'il veille sur les intérêts de ses utilisateurs. La relation avec les clients reste donc critique pour expliquer et adapter les recommandations de l'IA, en priorisant le devoir de conseil. Enfin, qui pour gérer la conformité et la sécurité ? Les Gafa ont-ils vocation à lutter contre le blanchiment, les fraudes, le financement du terrorisme, respecter la réglementation, contribuer à la sécurité des territoires, des places de marché et de vos données personnelles ?

Cette réflexion illustre la puissance transformationnelle de l'intelligence artificielle, mais aussi son impact sur les équilibres macro-économiques. En effet, une IA pourrait orienter les choix de consommation ou d'épargne, et donc avoir un poids politique sans gouvernance étatique. Cette révolution est inéluctable. La question n'est pas de savoir si elle se produira mais quand. Tous les acteurs de la consommation ainsi que nos autorités politiques devraient donc se demander comment se positionner pour préserver leurs souverainetés, tout en profitant des avancées technologiques poussées par les Gafa.

François Jaussaud est expert banque, et « customer advisor » chez SAS pour la région Europe du Nord.

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