Bruno Laforge (Sanofi) : « Penser les métiers par blocs de compétences »
La réforme de la formation professionnelle oblige le géant pharmaceutique à repenser le budget alloué et à placer les compétences au coeur de son programme de formation, confie le senior vice president ressources humaines Europe et France de Sanofi.
Par Delphine Iweins
Comment identifiez-vous les besoins en formation de vos salariés ?
L'entretien de développement est le moyen privilégié pour donner un regard nouveau sur les besoins potentiels de formation du salarié. Il s'agit d'une coconstruction entre le manager et le salarié. Si cela s'avère nécessaire, nous développons également des actions de remise à niveau des compétences des salariés tout au long de leur carrière, dans le but de développer leur employabilité. Ces besoins de formation sont historisés dans notre système d'information pour permettre leur prise en compte de manière plus efficiente.
Quelles sont les conditions d'accès à la formation chez Sanofi ?
Tout salarié est éligible à la formation, qu'il soit en CDI, en CDD, en apprentissage ou en intérim. Nous sommes dans une industrie de santé qui nécessite soit de se conformer à des aspects réglementaires, soit de développer des formations spécifiques (production, biotechnologie, HSE, etc.). En 2018, 98 % des 25.000 salariés de Sanofi en France répartis sur nos 33 sites ont été formés en moyenne 25 heures.
Comment vous êtes-vous ajusté à la réforme de la formation professionnelle ?
Nous avons dû faire face à certaines contraintes. La réforme a impacté le financement de la formation en mettant fin aux versements des cotisations de l'OCPA (pour les diriger vers l'Ursaff). La gestion du compte personnel de formation par la Caisse des Dépôts rendra aussi difficile l'abondement, ce qui peut influer sur sa gestion. Certes, le salarié devient plus autonome dans son choix, mais il a perdu des possibilités de financement.
Toutefois, la réforme de la formation professionnelle offre aussi des améliorations de notre pratique : la compétence est officiellement remise au coeur de la formation du salarié. Pour l'entreprise, cela a un impact en termes de nouveaux modèles de formation.
Cela signifie-t-il que vous privilégiez les blocs de compétences aux formations diplômantes ?
Les métiers sont en effet désormais pensés par blocs de compétences, ce qui rejoint les besoins de l'entreprise. La formation ne se limite pas au CPF, c'est aussi la stratégie de l'entreprise. Il s'agit de développer les compétences du futur. Nous avons, par exemple, mis en place des académies, par métier, relatives au développement des biotechnologies, au digital, au médical, à l'informatique, la supply chain, la politique hygiène, sécurité, environnement (HSE), etc. Ces académies participent à l'employabilité collective des collaborateurs. De plus, nos plans de réorganisation sont aussi accompagnés d'engagements de formation pour préparer les enjeux de demain et nous permettre d'aller au-delà d'une gestion prévisionnelle de l'emploi.
Quelles formes prennent les formations proposées aux salariés ?
Nous privilégions tous les modèles d'apprentissage et particulièrement les plus innovants, comme le « flash learning » (de petites séances vidéo de quelques minutes, NDLR). Nos formations obligatoires sont entièrement dématérialisées et standardisées. L'idée est de permettre à chacun de bénéficier d'une séquence d'apprentissage n'importe où et n'importe quand.
Sanofi participe-t-il aux financements de formations individuelles de ses salariés en complément du CPF ?
Oui, mais la formation n'est pas forcément orientée en fonction de ce que veut faire le salarié. La coconstruction est un élément clef du compte personnel de formation. Nous sommes attentifs à ce que cela ne soit pas uniquement un choix individuel cofinancé par l'entreprise et que le CPF puisse aussi être un complément d'une formation proposée par l'employeur. Ces points font actuellement l'objet de discussions avec nos partenaires sociaux.
Quel budget est alloué à la formation ?
Nous consacrons environ 30 millions d'euros par an à la formation, en comptant le financement par le biais des OPCA et les frais pédagogiques.
Concernant les métiers dans la recherche et le développement ou dans l'industrie, l'orientation académique est importante car elle détermine le profil du candidat. Mais il ne faut pas négliger toutes les expériences que la personne a acquises durant son parcours professionnel. Notre effort de formation ne vient pas directement infléchir nos profils de recrutement. Cependant, nous nous plaçons de plus en plus dans une logique d'apprentissage continue. 60 % des jeunes actuellement en formation occuperont d'ici cinq ans des postes qui n'existent pas encore.
Delphine Iweins @DelphineIweins