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Etudier les sciences humaines, un handicap pour décrocher un emploi ?

Les études en sciences humaines et sociales n’ont pas toujours bonne presse. Elles traînent une réputation d’“usines à chômeurs”. Les Echos START ont voulu y voir plus clair. Ça tombe bien une nouvelle enquête du ministère de l’Enseignement supérieur vient apporter quelques réponses concrètes. 

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(Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation)
Publié le 24 janv. 2020 à 07:00Mis à jour le 24 janv. 2020 à 09:45

En 2015, le ministre de l’Education nationale japonais avait déclaré vouloir fermer les départements des sciences humaines et sociales (SHS) de vingt-six universités afin de s’adapter aux réalités du marché de l’emploi. Signe que les “sciences molles” n’ont pas le vent en poupe… En réalité, une poignée d’universités du pays étaient alors concernées, parmi lesquelles certaines ont effectivement réduit la voilure au profit des filières scientifiques.

Souvent cataloguées comme “inutiles”, ces filières peuvent être aussi délaissées par les étudiants par crainte de ne pas décrocher un job après leur diplôme. Qu’en est-il vraiment ?

Spoiler : les diplômés en SHS ne finissent pas tous au chômage...

L’enquête d’insertion professionnelle des diplômés de l’université 2016, publiée par le Ministère de l'Enseignement Supérieur en décembre dernier, dresse un tableau plus nuancé. Le taux d’insertion n’a jamais été aussi élevé pour les détenteurs d’un master universitaire, y compris pour les diplômés en sciences humaines et sociales qui sont, rappelons-le, très majoritairement féminines (70% de femmes contre 57% en économie-gestion et 38% dans les filières scientifiques).

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A 18 mois, on observe un taux d’insertion de 85% pour les diplômés des filières en sciences humaines, soit +5 points en deux ans seulement, la plus forte progression toutes cursus confondus. Et 88% à 30 mois. Les filières Lettres-Langues-Arts (LLA) font un peu moins bien, respectivement 83% et 86%. Ces taux restent effectivement moins élevés que pour les autres filières que regroupent les cursus Droit-Economie-Gestion (DEG) et Sciences-Technologies-Santé (STS), comme le montre ce tableau :

Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

… ou professeurs !

A l’inverse des clichés que l’on entend souvent, seulement 9% des diplômés en sciences humaines et sociales choisissent de poursuivre dans l’enseignement.

Les jeunes diplômés de ce cursus sont même plus employés dans le privé (53,5%) que dans le public (29,5%). Les secteurs d’activités sont aussi variés que la santé humaine et l’action sociale (22%), l’information et la communication (12%) et même le commerce (8%) !

Là où ça peine vraiment, c’est côté salaire et qualité de l’emploi

Trouver un job une fois diplômé d’un master en sciences sociales n’est donc pas mission impossible. Reste que l’insertion prend plus de temps, et le CDI semble un sésame plus difficile à décrocher pour ces diplômés : seulement 61% d’emplois stables pour eux 30 mois après la fin des études contre 82% pour leurs camarades sortis des promo scientifiques. 

La qualité de l’emploi se ressent aussi au niveau des salaires. Les filières scientifiques ou économie-gestion enregistrent toujours des salaires mensuels médians plus élevés, avec 1.940 et 1.950 euros à 18 mois respectivement contre 1.630 euros pour les sciences sociales.

Notons, au passage, que les diplômés des deux filières les plus rémunératrices ne sont pas beaucoup plus satisfaits de leur rémunération que leurs homologues en sciences sociales.

Des recruteurs intéressés !

Au-delà des chiffres, les diplômés en SHS ont beaucoup à apporter au sein des entreprises, et elles sont de plus en plus nombreuses à le reconnaître. Pour Benjamin Ribault, people managing partner chez PwC, “pour être créatrice et innovante, une entreprise a besoin de diversité de points de vue, d'expériences et d’apports culturels variés”. C’est ce qui a motivé PwC a lancer en 2007 l'Opération Phénix, une initiative qui permet aux jeunes diplômés de masters en SHS ou LLA d’être recrutés par des grands groupes tels L'Oréal ou Vinci. En 2019, l’initiative comptait 8 entreprises participantes et a vu seulement 280 diplômés bénéficier de ces recrutements depuis sa création.

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Reconnaissons néanmoins que la question de la diversité, au sens large, dans l’entreprise gagne en intérêt et en visibilité ces dernières années, grâce notamment à des initiatives comme la cérémonie des recruteurs de la diversité, organisée depuis 4 ans à Bercy par la fondation Mozaïk RH. 

Des softs skills pas si mous

En plus de la diversité que ces profils peuvent apporter, les softs skills qu’ils ont pu développer sont de plus en plus recherchés par les employeurs, car ceux-là sont impossibles à automatiser ! D’après LinkedIn, la créativité, la persuasion ou encore la collaboration font partie de ces compétences molles les plus demandées, trois compétences particulièrement stimulées et développées dans les filières SHS et LLA par exemple.

Benjamin Ribault relève également des traits communs à ces profils qui sont extrêmement valorisés par les entreprises aujourd’hui tels “leur capacité à comprendre des contextes complexes, à reformuler des problématiques, à rédiger, analyser et synthétiser” explique-t-il. Il remarque que ces jeunes diplômés recrutés via l’Opération Phénix  sont tout aussi capables de travailler en autonomie qu’en groupe. “Ils ont développé une écoute attentive à travers leurs études, un atout particulièrement important dans les métiers du conseil par exemple, afin de bien comprendre les problématiques du client”, précise-t-il.

Et du côté des startups ?

Si les codes désuets du recrutement ont la vie dure, les lignes commencent à bouger, notamment chez les startups peut-être plus réceptives à ces profils “atypiques”. C’est du moins ce qu’affirme David Simeoni, CEO et fondateur d’elinoï, un acteur du recrutement de talents pour les startups. Pour lui, ce qui compte chez un candidat, ce n'est pas seulement sa formation, c'est aussi “sa motivation, sa personnalité, sa capacité à s’adapter, à apprendre et à s’autoformer rapidement”. elinoï affirme ne faire “aucune discrimination par rapport aux parcours académiques”. Décrocher un diplôme en sciences sociales signifie simplement que vous avez développé “un autre langage mais rien qui ne soit insurmontable ou qui ne puisse pas être acquis par la pratique”. Pour les startups, il faut surtout que le candidat “soit en adéquation avec les valeurs de la structure, sa culture afin qu’il puisse s'intégrer le plus rapidement possible”, insiste David Simeoni.

Alors si vous préférez l’histoire à la compta, pas besoin de vous affoler. Qui sait, vous vous retrouverez peut-être à la tête d’une licorne, à manager tout un groupe de comptables !

Alix Publie

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