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Le marché du recrutement des juristes d’entreprise offre de belles perspectives

« Une offre juridique qui explose », des augmentations de salaires à deux chiffres lorsque l’on change d’employeur… Les tendances du marché sont au beau fixe pour la profession qui trouve sa place en entreprise.

La fonction juridique serait attractive ! « Entre 2015 et 2019, il y a eu une tendance très favorable au recrutement. Les juristes deviennent un rouage essentiel de l’entreprise. Ce métier est en train d’être reconnu et n’est plus dans l’ombre ». C’est l’un des enseignements que tire Laëtitia Ménasé, la directrice juridique de Canal +, de l’enquête réalisée sur les juristes d’entreprise et leur rémunération par Squaremetric pour l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) et le Cercle Montesquieu en 2019*.

Un constat partagé par Constance Philippon, senior manager spécialisée sur le secteur juridique au sein du cabinet Robert Walters : « l’offre juridique explose. Il y a une augmentation très importante des annonces. La fonction a besoin de se staffer à tous les niveaux », de l’assistant juridique aux fonctions cadres. L’augmentation du volume des annonces entre 2018 et 2019 aurait même dépassé les 20 % pour les fonctions cadres les plus recherchées (le responsable contrat, corporate ou encore M&A) selon le spécialiste du recrutement qui présentait ce jeudi son étude de rémunération 2020 en France.

« Les juristes juniors et middle pourraient bénéficier au minimum de 10 % d’augmentation »

Côté augmentation de salaires, les perspectives seraient également florissantes pour 2020, indique Constance Philippon. « Il devrait y avoir beaucoup de mobilité de cadres dirigeants ou de supérieurs hiérarchiques avec des prévisions de l’ordre de 10 à 15 % d’augmentation en cas de changement de poste ». Même « les juristes juniors et middle pourraient bénéficier au minimum de 10 % d’augmentation », dès lors qu’ils changeront d’entreprise. Et espérer autour de 8 % de gratification s’ils font jouer l’offre d’un concurrent auprès de leur employeur actuel. Car le marché serait en tension. « Les candidats sont hyper sollicités », prévient Constance Philippon. « Il y a une bourse à celui qui offre le plus », témoigne Laëtitia Ménasé. « Dès que nous lançons une chasse sur un poste nous sommes vraiment mis en concurrence ».

Pour faire un véritable bon dans son salaire, il faudrait donc changer d’employeur. La majorité des juristes en sont conscients, révèle l’enquête de l’AFJE et du Cercle Montesquieu. Et ils sont nombreux à l’envisager.

 

« Les juristes sont à l’écoute et prêts à se montrer opportunistes même s’ils sont satisfaits de leurs missions et de leur poste en général », commente la chasseuse de tête. Une nouveauté pour une fonction qui se montrait plutôt très raisonnable par le passé. Ils restent toutefois « vigilants sur le projet et le positionnement » que pourrait leur offrir un nouveau poste. Une évolution de carrière significative resterait le premier facteur de motivation pour changer d’emploi, selon la dernière étude de Robert Walters.

Le haut de la hiérarchie a connu une belle progression de salaire

Globalement, il y a « un appétit pour la profession avec des niveaux de rémunération qui augmentent », estime la directrice juridique de Canal +. Entre 2015 et 2019, l’enquête de l’AFJE et du Cercle Montesquieu indique une progression du salaire médian de 8 ans. Soit de l’ordre de 2 à 3 % par an. Une progression toute relative. Mais « la croissance des rémunérations est beaucoup plus forte pour des juristes ayant de l’ancienneté », concède Laëtitia Ménasé.

Ainsi, le salaire moyen du directeur juridique aurait évolué de 17 % sur 4 ans, pour venir se loger à près de 130 000 euros. Contre 1 % pour le juriste, autour de 50 000 euros par an.

Enquête 2020 sur les juristes d’entreprise et leur rémunération de l'AFJE et du Cercle Montesquieu

Faire marcher une expertise

Un autre moyen de faire grimper sa rémunération consisterait à se spécialiser. « Des compétences sont particulièrement recherchées », précise Laëtita Ménasé. Les experts dans les domaines du RGPD, de la compliance, notamment anti-corruption, ou des questions du digital et des data, sont attractifs. Car « il est plus difficile de trouver de bons techniciens sur ces matières nouvelles qui émergent dans la vie des affaires et sont de plus en plus prégnantes. Au regard des sanctions notamment, il devient nécessaire de se conformer ».

La directrice juridique de Canal + évoque aussi le juriste contentieux, une fonction de plus en plus internalisée en entreprise, le business se judiciarisant. Constance Philippon note également de belles opportunités pour le juriste spécialisé en droit des contrats, bilingue en anglais, capable de calculer une rentabilité et pourquoi pas de coder. Ainsi que pour l’expert en M&A, les opérations de croissance externe des sociétés étant relancées. Quant au profil « droit des sociétés », le cabinet constate toujours « de nombreuses demandes » de la part de ses clients. Celui qui peut « gérer les PV d’assemblées générales, se hisser au plus haut niveau pour conseiller le président et obtenir sa confiance », est le candidat idéal. Sur ces deux derrières fonctions, Laëtitia Ménasé embauchera des juristes bénéficiant d’un double diplôme : droit et École de commerce.

* Enquête menée de mars à juin 2019 auprès de 1120 juristes d’entreprise.

Sophie Bridier
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Sophie Bridier