« Avoir sa vie, grandir quoi ! » Hippolyte, 20 ans, résume ainsi son envie de déménager. Il vit pourtant dans un agréable et spacieux appartement du 15e arrondissement de Paris avec ses parents musiciens et sa sœur étudiante. Tous « s’entendent très bien », mais le jeune homme, étudiant en troisième année de droit à l’université Paris-I, aimerait bien jouir de plus d’indépendance et d’autonomie. « Vous comprenez, quand on rentre accompagné ou qu’on se lève à 13 heures parce qu’on s’est couché tard la veille, ce n’est pas évident d’avoir sur soi le regard de ses parents, même si ça se passe très bien avec eux. »
Si la « décohabitation est souvent automatique pour les jeunes qui s’installent à Paris afin de poursuivre leurs études ou pour un emploi, elle est de plus en plus tardive pour les jeunes nés dans la capitale », souligne une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), intitulée « Les 16-25 ans à Paris, portrait social et démographique », parue en juin 2019. En 2014, 45 % des jeunes âgés de 25 ans et nés à Paris vivaient encore chez leurs parents, contre 32 % en 1999.
Le prix élevé du parc immobilier privé est évidemment l’une des causes principales de ces cohabitations prolongées entre parents et enfants. Selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, le loyer moyen hors charges y a augmenté de 16 % entre 2009 et 2019. Et pour les logements d’une pièce, l’augmentation est de 19,2 %. Dans la capitale, en moyenne, il faut débourser environ 572 euros pour une surface de 12 m2, 855 euros pour un studio de 21 m2.
Hippolyte, Parisien « pur sucre », se définit comme issu d’un milieu aisé, il a ainsi « négocié » d’obtenir un studio l’année prochaine, pour sa première année de master. Ses parents vont lui attribuer une aide financière de 600 euros par mois : il vise un studio d’une vingtaine de mètres carrés « de préférence dans les 2e, 9e ou 10e arrondissements ». Il cofinancera son logement en travaillant, comme de nombreux étudiants vivant à Paris. Pour l’instant, il cherche toujours.
Un gros investissement
La cohabitation entre générations est devenue socialement banale et les jeunes adultes bénéficient plus longtemps du soutien moral et financier de leurs parents.
Olivier Galland, sociologue spécialiste de la jeunesse, directeur de recherches au CNRS, observe que « les parents sont prêts à cette cohabitation. Il n’y a plus d’âge limite, ils rendent service à leurs grands enfants. C’est d’autant plus facile que les valeurs de ces générations se sont rapprochées ». C’est le libéralisme culturel, hérité de Mai-68, entre hédonisme et anti-autoritarisme, qui caractérise aujourd’hui ces valeurs et qui « garantit l’entente entre générations », estime le chercheur. Malgré tout, il ne voit pas de signes de « tanguysation » (en référence au film Tanguy d’Etienne Chatiliez, sorti en 2001) des jeunes Français : cette cohabitation est surtout contrainte, ils préféreraient largement leur autonomie au confort de la maison parentale. « La majorité des jeunes veulent entrer dans l’âge adulte : travailler, avoir un logement et fonder une famille », souligne le chercheur.
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