Publicité
Théma

Les employeurs sommés de montrer « patte verte »

La jeune génération préfère travailler pour des entreprises engagées. Désireuse d'avoir elle aussi un avenir sur cette planète, ferait-elle du chantage aux entreprises sur le thème « si vous n'êtes pas vertueuses, vous n'aurez pas ma candidature » ?

Young woman found a job.
Young woman found a job. (Getty Images)

Par Julie Le Bolzer

Publié le 30 janv. 2020 à 09:59

« Sur votre site Internet, vous prétendez être soucieux de l'environnement. Pourquoi n'avez-vous pas investi dans des équipements moins gourmands en énergie ? » C'est en ces termes qu'un patron est mis sur le gril par un ingénieur et une manutentionnaire. Lors de cet entretien d'embauche inversé, c'est le dirigeant qui doit convaincre les deux profils de postuler dans sa société. Cette situation, tirée de la pièce de théâtre « Embauche-moi si tu peux », n'a rien de fictif. « Je l'ai écrite à partir de mon propre vécu », assure Bruno Rost, président du conseil de surveillance de WorldCast Systems, entreprise bordelaise d'une centaine de collaborateurs qui déplore d'être parfois « en souffrance pour recruter ».

Les petites et moyennes entreprises ne sont pas les seules qui peinent à se rendre attractives auprès de jeunes talents en révolte face à l'immobilisme. Les grands groupes doivent, eux aussi, montrer patte blanche… ou plutôt patte verte. L'été dernier, lors de La Rencontre des entrepreneurs de France (nouveau nom de l'université d'été du Medef), Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie, confiait : « La société nous challenge, en particulier la nouvelle génération. Quand je rencontre des nouveaux postulants, j'ai souvent l'impression que c'est presque moi qui passe un entretien tellement ils nous questionnent. » 

Honnêteté et cohérence

Plus radicaux que leurs aînés, les plus capés de la « génération climat » montent au créneau tous azimuts, en tant que consommateurs, collaborateurs, candidats... « Des sondages adressés à des étudiants, à des chercheurs d'emploi et à des personnes en reconversion montrent que plus de 80 % d'entre eux souhaitent travailler pour une entreprise engagée », observe Rose-May Lucotte, cofondatrice de ChangeNOW, sommet dédié à l'impact positif qui se tient jusqu'au 1er février à Paris. De son avis, les multinationales, qui quinze ans en arrière faisaient pétiller les yeux des jeunes diplômés, ne sont plus plébiscitées. Et un Jeff Bezos, qui caracolait en tête du classement des meilleurs patrons du monde, a chuté de la première à la 68e place entre 2014 et 2018, avant d'être totalement éjecté du palmarès en 2019, faute de performances extra-financières suffisantes. 

Publicité

Les « green washing », « social washing » et « purpose washing », art de se faire passer pour plus vertueux qu'on ne l'est sur les volets environnemental, social et stratégique, sont extrêmement mal perçus par les « OK boomer ! ». « Ils n'attendent pas de l'entreprise qu'elle soit parfaite, mais qu'elle soit honnête et cohérente, c'est-à-dire qu'elle soit dans le concret et qu'elle ne reprenne pas à la planète d'une main ce qu'elle lui donne de l'autre », résume Elisabeth Laville, fondatrice d'Utopies, première agence de conseil en développement durable, fondée en France en 1993. 

Redonner du sens au travail

Les organisations les plus matures en termes de RSE, celles qui placent le développement durable au coeur de leur stratégie business , bénéficient d'une meilleure image, permettant d'attirer et de fidéliser les meilleurs, mais pas que… « Le principal bénéfice est de pouvoir s'appuyer sur des collaborateurs qui ont la flamme et donnent le meilleur d'eux-mêmes, davantage engagés, performants, créatifs... », souligne Elisabeth Laville, qui ne voit « pas l'intérêt de recruter un surdiplômé si celui-ci n'est pas au maximum de ses capacités ».

Un temps interloqués par cette inversion du rapport de force, les DRH ont saisi les enjeux et tentent de s'adapter. « Il faut une approche holistique, avec de bonnes pratiques sur tous les fronts : managérial, social, environnemental... En outre, les collaborateurs veulent pouvoir être acteurs de la démarche », explique Marine Bornes, responsable des ressources humaines de Maisons du Monde, où une plateforme dédiée permet de faire remonter les initiatives de tous les magasins. 

Face à l'urgence climatique, à l'extinction de masse des espèces, au creusement des inégalités sociales, la « génération climat » somme les acteurs économiques de prendre leurs responsabilités« Le profond malaise que suscitent les organisations n'ayant que le profit pour objectif prouve qu'il est temps de redonner une noblesse au rôle de l'entreprise », conclut Rose-May Lucotte.

Julie Le Bolzer    

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité