Les enjeux du Brexit (3/6). Avec ses pierres blondes, ses porches entrouverts sur de vénérables collèges, ses étudiants et leurs professeurs à vélo, la plus prestigieuse des facultés britanniques a un petit air d’éternité. Mais comme le reste du Royaume-Uni, Oxford basculera elle aussi hors de l’Union européenne (UE) le 31 janvier à minuit (heure de Bruxelles).
Et même s’ils évoluent dans un des environnements les plus stimulants au monde, une bulle de savoir et d’excellence, les étudiants rencontrés mi-janvier sont inquiets.
Antoinette Cowling a 22 ans, elle termine sa quatrième et dernière année en lettres françaises et allemandes au Jesus College, une institution érigée en plein règne élisabéthain. Elle nous a donné rendez-vous dans une des salles communes du collège, avec des fauteuils en velours fatigué et une lumière tamisée. Britannique, originaire de Reading (centre ouest de l’Angleterre), Antoinette a voté pour rester dans l’UE en 2016 − elle avait juste l’âge légal.
Elle ne fait pourtant pas partie de ces remainers refusant le Brexit. « Le problème, ces dernières années, ce fut surtout l’incertitude. Le pays ne pouvait pas rester dans cette situation. Il y aura peut-être des soubresauts au début, mais on devrait y arriver sur le long terme, notre économie est suffisamment forte. »
Pourtant, l’étudiante s’interroge sur les conséquences du divorce. Elle « ne s’imagine pas » ne plus pouvoir circuler librement en Europe, mais hésite à chercher d’emblée un emploi en France ou en Allemagne, et par précaution, « en attendant que les choses se stabilisent », elle préfère limiter sa quête d’emploi au Royaume-Uni, « pour la période de transition ».
43 % d’étudiants étrangers
Rencontrée dans un des bâtiments neufs du Worcester College, autre vénérable institution, Isabel Chappell témoigne aussi : «J’ai beaucoup d’appréhension, j’ai peur que mes opportunités de travailler à l’étranger se réduisent. »
La jeune fille est en deuxième année de « PPE » (Philosophy, Politics and Economics), la filière d’élite qu’ont suivie nombre de politiques britanniques, dont l’ancien premier ministre conservateur David Cameron. Sa camarade Tori Watson, en troisième année, a déjà commencé sa recherche d’emploi et assure avoir rencontré « des employeurs qui disent qu’ils ne cherchent pas énormément de nouvelles recrues à cause de l’incertitude ».
Même collège, même spécialisation qu’Antoinette, Hannah Scheithauer, 21 ans, témoigne d’un « sentiment d’insécurité permanent » depuis qu’elle est à Oxford : « Le Brexit m’a poursuivie durant toutes mes études. L’administration a tenté de nous rassurer mais elle dispose elle-même de si peu d’informations… »
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