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Qualiopi, le label qualité qui met au défi les prestataires de formation

Le | Droit de la formation

Place à Qualiopi ! À partir du 1er janvier 2022, les organismes de formation devront obligatoirement détenir cette certification qualité s’ils souhaitent bénéficier de fonds publics ou mutualisés. Enquête sur cette transformation qui mobilise les acteurs concernés.

Qualiopi, le label qualité qui met au défi les prestataires de formation
Qualiopi, le label qualité qui met au défi les prestataires de formation

(article modifié le 05/05/21) Retenez bien cette marque de confiance : Qualiopi. C’est le nom de la nouvelle certification nationale qui atteste la qualité des prestataires d’actions de formation. Il avait été dévoilé le 7 novembre 2019 par le ministère du Travail. Et ses fondements avaient été gravés dans la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » promulguée le 5 septembre 2018.
Les prestataires d’actions concourant au développement des compétences, qui souhaitent bénéficier de fonds publics ou mutualisés, devront détenir la certification qualité Qualiopi. Celle-ci sera délivrée pour trois ans après un audit réalisé sur la base du référentiel national unique.
Cette exigence concerne également les centres de formation d’apprentis (CFA), qui devront se mettre en conformité à partir du 1er janvier 2022.

Tirer le marché vers le haut

L’approche de Qualiopi est distincte de celle de Datadock, créée par les OPCA pour vérifier le respect par les prestataires de formation des critères du décret Qualité du 30 juin 2015. Qualiopi impose aux prestataires des audits réguliers avant et après l’obtention de la certification tandis que la démarche au sein de Datadock fonctionnait sous un mode de processus de contrôle déclaratif, accompagné de contrôles éventuels a posteriori.
« Beaucoup d’organismes considèrent l’obligation de qualité comme un moyen de contraindre. Pourtant, cette certification Qualiopi va tirer le marché vers le haut et encourager l’ensemble des organismes de formation à s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue », estime Morgan Marietti, président de Proactive Academy.
Un avis partagé par Arnaud Portanelli, co-fondateur de Lingueo. « Aujourd’hui, les utilisateurs finaux n’ont pas de vision de ce qu’est un organisme de formation de qualité. À l’heure où ils ont un pouvoir d’achat dédié à la formation, en partie grâce au compte personnel de formation (CPF), il me paraît essentiel de rendre lisible l’offre via un label de qualité. »

Certification Qualiopi : 21 entités dans la boucle (pour l’instant)

Les organismes qui délivreront la certification Qualiopi aux prestataires de la formation sont accrédités ou autorisés par le Comité français d’accréditation (Cofrac) sur la base du référentiel national qualité.
Au dernier pointage (20 janvier), 21 entités sont habilitées à le faire et la liste s’allonge progressivement. La loi offre également la possibilité que cette certification soit délivrée par une instance de labellisation reconnue par France compétences, autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Selon notre partenaire média News Tank RH présent à l’Université d’Hiver de la Formation Professionnelle (UHFP) qui se déroule actuellement à Biarritz, le conseil d’administration de France compétences lancera en mai 2020 une enquête flash auprès des organismes de formation pour voir comment ils s’approprient la nouvelle démarche qualité.

Pour rappel, ces organismes certificateurs se baseront sur sept critères de qualité qui compose le référentiel national qualité :
- conditions d’information du public ;
- identification précise des objectifs des prestations ;
- adaptation aux publics bénéficiaires ;
- adéquation des moyens pédagogiques ;
- qualification et développement des connaissances et compétences des personnels ;
- inscription et investissement du prestataire dans son environnement professionnel ;
- recueil et prise en compte des appréciations et des réclamations formulées par les parties prenantes aux prestations délivrées…
Pour chacun des sept critères, le référentiel précise 32 indicateurs à mettre en oeuvre, en fonction de la catégorie d’actions concernée (action de formation, bilan de compétence, validation des acquis de l’expérience ou VAE, formation par apprentissage…).

Projet de certification : gare à la durée

Compte tenu du délai imparti à l’issue duquel les organismes de formation devront être certifiés, les acteurs concernés demeurent sur le qui-vive. Et pour cause : « En moyenne, un projet de certification Qualiopi dure entre deux et trois mois », explique Pierre Pariente, président de l’ISQ.
De son côté, Morgan Marietti se veut rassurant : « Il y a suffisamment de certificateurs sur le territoire pour réaliser cet audit au cours d’une seule année. » Le président de Proactive Academy conseille aux organismes de formation de ne pas se précipiter. « L’écueil serait de solliciter un certificateur sans pour autant être prêt. Mieux vaut réaliser des audits blancs en interne ou en externe. L’objectif est de s’assurer que les critères de qualité soient correctement pris en compte. Car si la certification est refusée, il faudra attendre un délai de trois mois avant de la repasser », précise-t-il.
Pour les organismes de formation déjà inscrits dans une démarche de qualité (c’est-à-dire qui répondent aux normes ISO, qui ont la qualification OPQF ou qui sont déjà référencés sur Datadock), le processus durera une dizaine de jours. « Pour les autres, il y a davantage urgence : rassembler les éléments demandés représente une centaine d’heures de travail », selon Arnaud Portanelli (Lingueo).
Les certificateurs anticipent un pic d’activité en fin d’année (2020). Du côté de l’Afnor qui a développé un test en ligne afin d’aider les entreprises à se rendre conformes à Qualiopi, 150 auditeurs seront mobilisés en plus des 300 déjà en poste.
« Depuis fin 2019, de nombreux organismes définissent contractuellement la date d’un audit en septembre ou en octobre 2020. À partir de cette date, ils réalisent un rétro-planning et travaillent en mode projet. D’autres octroient une demie-journée par mois pour travailler un des 7 critères requis », explique Philippe Bourdalé, responsable de pôle formation professionnelle d’Afnor Certification.

Formateurs indépendants : un flou subsiste

Les formateurs indépendants, qui représentent 26 % des organismes de formation déclarés, n’échappent pas à la certification Qualiopi.
« Il est possible que Qualiopi en décourage certains. Ils interviendront exclusivement auprès d’une clientèle qui ne sollicitent pas leur OPCO, Pôle Emploi ou un organisme public de financement de formations. Ou ils se dirigeront vers les organismes de formation certifiés, pour lesquels ils feront de la sous-traitance », indique Morgan Marietti (Proactive Academy). « Si Qualiopi est assortie d’une solide communication, elle deviendra une référence, donc un critère de choix important pour les entreprises, y compris celles qui ne bénéficient pas de fonds OPCO. Les entreprises pourront exiger que leurs prestataires soient certifiés car ce sera un gage de qualité », précise-t-il.
En cela, la mise en oeuvre de cette certification Qualiopi devrait entraîner une baisse du nombre de prestataires sur le marché de la formation. « D’après les données publiques, on dénombre 90 000 organismes de formation en France. Toutefois, ce nombre est à prendre avec des pincettes car plusieurs entités disposent de plusieurs numéros d’activité. L’objectif du gouvernement est de diminuer ce nombre et certainement de s’approcher du niveau en Allemagne : entre 6000 et 10 000 organismes », commente Arnaud Portanelli. « Qualiopi va accélérer la consolidation du marché de la formation professionnelle, qui est déjà à l’oeuvre. Elle profitera surtout aux grands organismes de formation et aux petits extrêmement dynamiques. » Mais que va-t-il advenir des autres ?

Par Aurélie Tachot avec la collaboration de News Tank RH