C’est la première fois, depuis 1945, que le jury de l’Ecole nationale d’administration (ENA) était présidé par « une personnalité issue du secteur privé ». Non-énarque, Isabel Marey-Semper, « membre de conseils d’administration », « ancienne membre de comités exécutifs de grands groupes français », connaît bien le monde de l’entreprise. Comme présidente des concours d’entrée à l’ENA en 2019, elle a constaté combien les futurs plus hauts cadres de l’Etat, eux, ne le connaissent pas.
« La méconnaissance par les candidats de la vie des entreprises, de ce qu’est un modèle économique, la faible culture industrielle et microéconomique, la compréhension parfois trop partielle des enjeux géo-politico-économiques mondiaux, ont été une très grande source d’étonnement pour la présidente du jury », écrit Mme Marey-Semper dans le rapport qu’elle a remis au premier ministre, le 21 janvier.
Celle-ci a constaté que les admis à l’ENA étaient « très nombreux à insister sur l’importance de la République sociale et sur la priorité à donner à la réduction des fractures territoriales et des inégalités et à la lutte contre la précarité ». Et, dans cette optique, ils ont tendance, selon Mme Marey-Semper, à considérer que le rôle des entreprises est uniquement de financer l’action de l’Etat par les recettes fiscales. « La tentation est d’ailleurs forte pour certains d’entre eux de résumer la France à son Etat », note-t-elle.
Or, estime cette normalienne qui a travaillé pour L’Oréal, Saint-Gobain et PSA, « on ne peut pas continuer à redistribuer à périmètre d’activité économique constant ni en augmentant les impôts. La République sociale est pérenne uniquement dans un pays qui crée de l’activité. » Bref, dit-elle, privé et public ont partie liée.
Diversité relative
Ce n’est pas le seul point que Mme Marey-Semper soulève dans son rapport. Ainsi, par exemple, la promotion 2020-2021 s’avère « très diversifiée, bien éloignée des clichés sur la reproduction des élites dirigeantes », assure-t-elle. Un constat très politique, alors qu’Emmanuel Macron a annoncé, au printemps, la suppression de l’école, en considérant que les hauts fonctionnaires n’étaient pas suffisamment à l’image de la société.
La promotion dont Mme Marey-Semper a supervisé le recrutement compte autant d’admis nés à Paris qu’en province, et sont âgés de 21 à 47 ans. Sur 82 lauréats, « 30 ont été boursiers de l’enseignement supérieur », indique-t-elle. Plus de la moitié d’entre eux ont effectué leurs études à l’université « et n’ont pas suivi de classes préparatoires aux grandes écoles ».
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