Réunis mardi 4 février dans la cour du Palais-Royal à Paris, enseignants et étudiants en école nationale supérieure d’architecture (ENSA) ont mis le feu à leurs maquettes en entonnant On est là, l’hymne des « gilets jaunes ». Au même moment, les directeurs et présidents de conseils d’administration étaient reçus au ministère de la culture pour dénouer une situation de crise. Dans une lettre commune envoyée à Franck Riester le 13 décembre, ils s’étaient alarmés de « l’absence de moyens nécessaires à l’accomplissement » de la réforme de 2018 qui a transformé leurs écoles en « établissements publics enseignement et recherche ». « Nous avons le sentiment que la dimension enseignement supérieur et recherche de nos établissements est insuffisamment portée par le ministère », écrivent-ils.
Le ministère n’a d’abord pas répondu. Vécu comme une humiliation, ce silence a suscité une fronde et conduit à la mise en grève administrative des comités pédagogiques et scientifiques, commissions recherche et commissions formation et vie étudiante des vingt établissements nationaux. Dans un milieu aussi peu organisé que celui de l’architecture, aussi peu politisé et enclin à l’action collective, le fait n’est pas anodin. Il aura eu le mérite d’ouvrir le dialogue : les directeurs et présidents de conseils d’administration ont fini par être invités Rue de Valois pour deux réunions, les 4 et 5 février.
Sous-effectif et désorganisation
L’amertume qui s’exprime est d’autant plus grande que cette réforme de fond avait été bien reçue. En plaçant les écoles d’architecture sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (et non plus comme avant, sous celle du seul ministère de la culture), elle visait à accroître leur autonomie scientifique et pédagogique, à leur déléguer le recrutement des enseignants et à encourager l’indépendance des enseignants en leur accordant le statut d’enseignant-chercheur.
Pour compenser la décharge des heures d’enseignement (les enseignants-chercheurs qui peuvent prouver qu’ils sont membres d’un laboratoire et qu’ils publient régulièrement n’en font plus que 192 au lieu de 320), les écoles tablaient sur un accord interministériel de 2018 qui prévoyait de créer 50 nouveaux postes d’enseignants en cinq ans. Mais quinze seulement ont été créés en 2019 et aucun n’est prévu cette année, la diminution annoncée en décembre du plafond d’équivalent temps plein de chaque école réduisant d’autant les perspectives de rééquilibrage.
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