Il y a ceux qui s’autorisent enfin à « souffler ». Et ceux qui savent qu’il va falloir « tout recommencer » : 10 à 15 % des proviseurs ont fait le choix, face au mouvement de contestation inédit qui a concerné, ces dernières semaines, la passation des premières épreuves du « bac Blanquer », de reporter la session. Un tiers n’a pas encore donné le coup d’envoi, ayant jusqu’à la mi-mars pour le faire. Mais pour les deux tiers des établissements qui ont déjà convoqué ces épreuves communes de contrôle continu – les E3C, valant pour 30 % de la note finale du baccalauréat réformé –, l’heure d’un premier bilan a sonné.
Bilan positif, martèle-t-on au ministère de l’éducation, où l’on estime la contestation enseignante et lycéenne circonscrite à « certains lycées » de « certaines académies » – comme Paris, Clermont-Ferrand, Créteil… –, quand d’autres, à l’image d’Orléans-Tours ou d’Amiens, n’ont guère fait parler d’elles.
« Là où personne ne crée de désordre, les choses se passent tout à fait normalement », a assuré Jean-Michel Blanquer mercredi 5 février lors des questions en séance publique au Sénat. Bousculé par des sénateurs de gauche, comme il l’avait été la veille par des députés à l’Assemblée, le ministre de l’éducation a fait valoir de nouvelles statistiques : 85 % des établissements où les élèves de 1re ont composé n’ont pas connu de perturbations (« rien de majeur, en tout cas », précise-t-on dans l’entourage du ministre). Plus de un million de copies – sur 1,7 million attendues – ont d’ores et déjà été numérisées en vue de leur correction.
Mais la démonstration par les chiffres peut-elle suffire à convaincre de la bonne marche de la réforme ? Pour les proviseurs comme pour les enseignants mobilisés qui n’ont cessé de réclamer le report ou l’annulation des épreuves communes de contrôle continu (E3C), elle a atteint ses limites. Dans leur bouche, la même petite phrase revient : « Les épreuves sont passées, ça ne veut pas dire que la réforme du bac passe. » D’autant qu’une deuxième session d’E3C est prévue entre avril et mai (la troisième et dernière session n’intervenant qu’à la fin de la terminale).
« Du jamais-vu »
« Au vu de nos remontées, nous pouvons affirmer que 87 % des lycées qui ont composé ont passé le cap des premières épreuves, reconnaît Philippe Vincent, porte-parole du SNPDEN-UNSA, syndicat majoritaire parmi les personnels de direction. Mais les statistiques ne disent pas tout : je ne connais pas d’établissement dont l’équipe de direction ne s’est pas interrogée sur sa capacité à organiser l’examen, souligne ce proviseur à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Et presque la moitié a eu à surmonter des appels à la grève, aux blocages ou au boycott. » Avec parfois des dérapages : quarante-cinq personnels de direction ont été victimes d’insultes, d’agressions ou de menaces, affirme-t-il. « Du jamais-vu », selon lui.
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