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Interview

« Le gouvernement doit lancer sans attendre un pacte pour le commerce »

Le représentant des grandes enseignes demande le soutien de l'Etat à la transformation de leur modèle en faveur d'une consommation plus responsable et durable. Les commerçants réclament l'équité fiscale avec les plateformes Internet mondiales et l'abaissement des impôts de production qui pèsent sur eux. Le secteur ne crée plus d'emplois.

Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution.
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution. (Chamussy/Sipa)

Par Philippe Bertrand

Publié le 17 févr. 2020 à 06:30

Pourquoi lancez-vous un appel aux pouvoirs publics ?

Il faut que le commerce devienne une priorité majeure des pouvoirs publics. Le gouvernement a lancé un pacte en faveur de l'industrie. A mes yeux, il aurait fallu le faire il y a quinze ans. Pour le commerce, il faut le faire maintenant, sans attendre. Il s'agit du premier secteur de l'économie française et du premier pourvoyeur d'emplois privés avec 3,5 millions de salariés.

L'urgence que vous manifestez signifie-t-elle que le secteur de la distribution est en crise ?

Tout le monde a vu les plans sociaux qui se multipliaient, même s'ils demeurent d'une ampleur limitée et prennent souvent la forme de plan de départs volontaires. Une chose est sûre : le commerce a été pendant des décennies créateur net d'emplois. Ce n'est plus le cas. Le nombre d'emplois dans la grande distribution a baissé pour la première fois, de 0,2 % en 2018. Et le commerce de détail s'est arrêté de créer des emplois, alors qu'il en avait créé près de 100.000 ces dernières années. Mais au-delà, c'est un secteur en pleine transformation. Le gouvernement doit soutenir cette dernière. Le commerce est au coeur d'une grande partie des préoccupations des Français : pouvoir d'achat, emploi, qualité de l'alimentation, avenir de la ville. On ne peut laisser tous ces sujets entre les mains de trois ou quatre plateformes numériques mondiales dont le modèle repose sur des coûts très bas et l'optimisation juridique et fiscale. Or c'est ce qui se profile.

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La distribution répond-elle à ces préoccupations des Français ?

Les distributeurs répondent à l'évolution de la consommation. Les consommateurs sont au centre de leurs stratégies. Ils sont multiples et parfois paradoxaux. Ils veulent plus de proximité, des produits plus sains. Ils sont attentifs à la responsabilité environnementale et sociale. En même temps, les clients réclament plus de rapidité et plus de services. A cela s'ajoute la transformation provoquée par le digital, l'automatisation, l'intelligence artificielle.

Sur tous ces points, les enseignes ont lancé des plans d'envergure. Les distributeurs français sont en avance sur beaucoup de leurs concurrents étrangers. Ils se réinventent, avec des magasins plus petits, le développement de l'omnicanal, la livraison, la suppression des substances nocives, la réduction des emballages, la fin du plastique, la diminution des émissions de carbone. Les professionnels passent d'une politique de l'offre à une politique de la demande, du libre-service au service. Il faut encourager l'éclosion de ce nouveau modèle français de commerce plus responsable. Et le reconnaître. C'est cela qui différenciera nos commerçants des grandes plateformes internationales.

Que demandez-vous au gouvernement précisément ?

Nous souhaitons un pacte pour le commerce à l'instar du pacte productif pour l'industrie, avec un traitement interministériel. Nous demandons l'aboutissement du contrat stratégique de filière qui est en préparation depuis dix-huit mois à Bercy. Cela n'avance pas. Nous avons le sentiment que le commerce n'intéresse pas le gouvernement sauf pour nous faire payer des taxes et intervenir lors des négociations commerciales. Précisément, nous réclamons l'équité fiscale avec les grands sites Internet marchands.

Aujourd'hui les magasins supportent une fiscalité confiscatoire avec des impôts sur la production (C3S, TASCOM, CVAE, impôts fonciers) qui peuvent représenter jusqu'à 10 % de la valeur ajoutée. Nous proposons de les plafonner à 5 %, pour rétablir l'équilibre avec les plates-formes qui ne supportent qu'une infime partie de ces charges. Nous souhaitons aussi l'établissement de règles communes pour l'ensemble de l'Europe. Un exemple : la CNIL interdit à un site marchand établi en France de conserver, hors abonnement, les coordonnées bancaires d'un client. Son homologue du Luxembourg l'autorise. Ainsi Amazon peut proposer des services que, par exemple, la Fnac ou Cdiscount ne peuvent offrir. Idem pour les négociations commerciales qui sont très lourdement encadrées dans l'Hexagone et pas ailleurs ce qui permet à de nouveaux concurrents comme Normal d'acheter moins cher en dehors de nos frontières.

Ne croyez-vous pas que vos demandes ont peu de chances d'aboutir alors que le gouvernement cherche de l'argent pour boucler son budget ?

C'est une question de volonté. On a bien trouvé 17 milliards pour mettre un terme à la crise des « gilets jaunes ». Le commerce physique a un grand avenir devant lui. On n'imagine pas les villes sans commerce. Il faut aider à la pérennité du nouveau modèle responsable qui se met en place.

Philippe Bertrand

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