Publicité

Réforme de l’ENA: 42 propositions pour davantage de mixité sociale

L’École nationale d’administration à Strasbourg. ANDBZ/ABACA/ANDBZ/ABACA

Pour sélectionner des jeunes «à l’image de la société», comme le souhaite le chef de l’État, Frédéric Thiriez propose notamment un degré de discrimination positive pour accéder à la prestigieuse école.

L’ENA va disparaître. En tout cas, son célèbre sigle. Sauf à l’étranger où la marque reconnue serait conservée, sous le nom d’«ENA international» Un entre-deux illustrant les difficultés auxquelles s’est trouvé confronté Frédéric Thiriez, qui a officiellement rendu, mardi matin, son rapport sur la réforme de l’École nationale d’administration et de la haute fonction publique. L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ancien président de la ligue de football professionnel, avait été missionné en avril par Emmanuel Macron pour faire des propositions. Avec une feuille de route contrainte par les promesses présidentielles, formulées en pleine crise des «gilets jaunes».

En avril, le président annonçait la suppression pure et simple de l’école de formation des hauts fonctionnaires, devenu symbole du divorce entre la France et ses élites. Il faut sélectionner des jeunes «à l’image de la société», «en fonction de leur mérite et pas de leur origine sociale ou familiale», expliquait-il alors. Et en finir avec «la protection à vie» dont jouissent les énarques dans «les grands corps» (les meilleurs étudiants sélectionnés dans la «botte» par le biais du classement de sortie pour intégrer le Conseil d’État, la Cour des comptes et l’Inspection des finances).

» A VOIR - Réforme de l’ENA: des pistes intéressantes?

Réforme de l'ENA: des pistes intéressantes? - Regarder sur Figaro Live

Après des mois de tergiversations, d’auditions (plus de 250), de dissensions au sein de la mission Thiriez et d’échanges avec l’exécutif - le rapport était attendu fin novembre —, Frédéric Thiriez a rendu ses propositions au premier ministre. Ce dernier annoncera les contours de la réforme en avril.

En France, l’ENA devient l’«EAP» pour «École d’administration publique». Simple toilettage? Dans ce rapport de 95 pages, la mission Thiriez suggère, à travers ses 42 propositions, la fin du classement de sortie, la fin du corps de l’inspection des finances, l’enterrement de l’épreuve de culture générale et la mise en place d’un «concours spécial» à l’adresse d’élèves sélectionnés sur critères sociaux, soit l’avènement d’un système de discrimination positive, façon Sciences Po.

» À voir aussi - ENA: par quoi la remplacer?

ENA : par quoi la remplacer ? - Regarder sur Figaro Live

Car le constat posé par la mission Thiriez est sévère. «La démocratisation voulue par les pères fondateurs de 1945 n’est pas au rendez-vous, assène le rapport. Les fils de cadres représentent toujours 80 % des promotions et ce chiffre ne baisse pas depuis 30 ans». La sortie possible dans les «grands corps» «garantit aux heureux élus (12 ou 15 sur 80 selon les années) une carrière sinon plus brillante, du moins beaucoup plus variée que les autres, et ce, sur la base d’une simple note chiffrée». De l’Institut national des études territoriales (Inet) à l’École de magistrature, en passant par l’École de la police, la multiplication des grandes écoles de service public «nuit à l’émergence d’une culture commune chez les grands serviteurs de l’État qui (…) favorise un corporatisme funeste et nourrit l’ignorance, voire le mépris des uns pour les autres», pose le rapport.

Pour «décloisonner la haute fonction publique», la mission Thiriez propose pour les candidats reçus aux concours administratifs de sept écoles - l’ex-ENA, l’École de la magistrature, l’École de la police, l’École de l’administration pénitentiaire, l’École des hautes études en santé publique, l’École nationale supérieure de sécurité sociale et l’Institut national des études territoriales — un «tronc commun» de six mois, dont l’essentiel se passerait sur le terrain. Il comprendrait trois semaines de préparation militaire supérieure, trois semaines consacrées à l’encadrement des jeunes du service national universel (SNU) et quatre mois de stage opérationnel. Les élèves rejoindraient ensuite leur «école d’application».

Le classement de sortie, «un archaïsme dont le maintien ne s’explique que par la facilité» selon le rapport, serait supprimé, laissant la place à une procédure d’affectation «par rapprochement des offres et des demandes». Le système des grands corps, lui, ne serait pas totalement abandonné. Afin de «casser l’effet de rente», les corps d’inspection, comme l’Inspection générale des finances, seraient transformés en emplois fonctionnels. Les corps juridictionnels (le Conseil d’État et la Cour des comptes) seraient quant à eux conservés, mais le recrutement serait différé après la sortie de l’école: après quatre années de services, les fonctionnaires pourraient se porter candidats.

« Nous retenons déjà un plan ambitieux de diversification sociale et géographique des recrutements. »

Édouard Philippe

Comment ouvrir socialement la future «EAP»? Une vingtaine de nouvelles classes «égalité des chances» - une au moins par région -, regroupant des élèves sélectionnés sur des critères sociaux pourraient ouvrir. Un concours spécial leur serait destiné, «dans la limite de 10 à 15 % de l’effectif des promotions». Une manière d’instaurer des quotas. Le gouvernement serait cependant plutôt opposé à cette mesure. Enfin, la mission propose de supprimer «les épreuves socialement discriminantes». Exit, donc, la fameuse «composition» de culture générale. Place à une «note sur dossier portant sur les grands enjeux du monde contemporain». Une série de propositions saluées par le premier ministre. «Nous retenons déjà un plan ambitieux de diversification sociale et géographique des recrutements», a réagi Édouard Philippe.

Enfin, comme largement évoqué depuis des mois, la mission Thiriez suggère la mise en place d’une sorte d’«école de guerre», baptisée «Institut des hautes études du service public». Il dispenserait, en milieu de carrière, une formation commune à des hauts fonctionnaires, magistrats, officiers de gendarmerie et des armées souhaitant progresser.

Le calendrier? L’année 2022 pour les premiers recrutements. À condition que les textes législatifs et réglementaires passent avant septembre 2020.

Réforme de l’ENA: 42 propositions pour davantage de mixité sociale

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
423 commentaires
  • dominique ROBEQUIN

    le

    Nous faire croire que les gilets jaunes sont pour quelques chose dans la disparition de l'ENA, fallait oser. Macron n'écoute qu'Alain Minc, obsédé qu'il est, par la discrimination positive dans tous les corps d'élite. Le vrai responsable de cette casse, c'est lui. La discrimination est à par essence anticonstitutionnelle, car elle créée une rupture d'égalité des chances en privilégiant l'appartenance ethnico-religieuse au détriment du mérite.

  • dominique ROBEQUIN

    le

    Cette suppression de l'ENA est une stupidité absolue, et ressemble plus à un règlement de compte entre politiciens et hauts fonctionnaires qu'à une réelle volonté de vouloir améliorer le service public. Pour avoir suivie un reportage commenté par Roselyne BACHELOT (ancienne ministre de la Santé) , les Énarques sont des super bosseurs, qui ne comptent pas leurs heures. Au fond que leur reprochent les politiques ? De se reproduire entre eux ou d'être compétent au point qu'ils n'ont pas de leçon à recevoir des politiciens qui maîtrisent mal les ministères dont ils ont la charge? Même combat pour Bruno Lemaire, vent debout dans le même reportage contre cette école qui lui a fait tant de mal d'après son témoignage. Lui qui ne savait pas combien représente un hectare quand il était ministre de l’Agriculture. Alain Minc, le conseil spécial du président est à la manœuvre. Il a probablement convaincu son poulain de changer de cap. Pour l’avoir entendu dans un reportage insistant sur le fait que la discrimination positive serait une fois de plus un critère de sélection. On a vu ce que cela a donné avec l’affaire BENALA.

  • heremoana

    le

    En fait , il y l’école pour tous avec les mêmes profs recrutés sur concours qui devrait donner le même niveau à tous. Les critères sociaux vont ils permettre de prendre des bourriques? Alors dans quel état sera le pays ?

À lire aussi