Voici une affaire rondement menée. Deux heures à peine après avoir reçu officiellement le rapport de Frédéric Thiriez, mardi 18 février, Matignon annonçait déjà ce qu’il en retenait. L’avocat, missionné par Emmanuel Macron en avril 2019 pour réfléchir à une réforme de la haute fonction publique, a rendu quarante-deux propositions visant à « une véritable refondation de notre système, touchant aussi bien le recrutement, la formation que la carrière des hauts fonctionnaires ».
A ce stade, Matignon n’exclut officiellement aucune piste. Le premier ministre demande d’ailleurs à Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, « de procéder à l’instruction » des propositions issues de la mission Thiriez. Mais certaines idées n’ont clairement pas la préférence du gouvernement. C’est notamment le cas du « concours spécial » qui serait réservé aux jeunes issus de milieux modestes – c’est-à-dire la mise en œuvre d’une discrimination positive.
Cela vaut aussi pour la suppression du classement de sortie de l’ENA, future Ecole d’administration publique (EAP). Ce classement, qui marque aujourd’hui profondément la scolarité, permet de désigner la poignée d’énarques qui peuvent intégrer directement les grands corps (Conseil d’Etat, Cour des comptes, inspection générale des finances).
Les « cinq axes de travail » donnés à M. Dussopt ne correspondent qu’à certaines des propositions formulées par la petite équipe de Frédéric Thiriez, Florence Méaux, déléguée aux cadres dirigeants de l’Etat, et Catherine Lagneau, directrice adjointe de l’Ecole des mines de Paris.
Ainsi, pour diversifier le recrutement des grandes écoles de la fonction publique, le premier ministre demande au secrétaire d’Etat de préparer « un plan » d’ici à la fin du mois d’avril. Celui-ci comprendra notamment la création des classes préparatoires « égalité des chances » que propose le rapport Thiriez. Des dispositifs de ce type, portés par l’ENA, existent déjà depuis dix ans à Paris, et à Strasbourg depuis la rentrée, avec une quarantaine de jeunes boursiers préparés aux concours de la haute fonction publique. Huit préparationnaires, sur les 133 des dix dernières années, ont franchi les portes de la grande école ; plus de la moitié ont décroché un autre concours de la haute fonction publique. La détection et l’accompagnement des élèves prometteurs dès le collège devront aussi être creusés, là aussi une proposition de l’équipe Thiriez.
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