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Plus de mixité et de diversité dans les métiers du droit ?

Suite à une demande des ministres de la Justice et de l’Enseignement supérieur, le Conseil national du droit (CND) s’est interrogé sur l’attractivité et la mixité des différentes professions du droit. Son rapport formule 27 propositions.

par Pierre Januelle 20 février 2020

Une diversité de genre contrastée, une diversité sociale occultée

Depuis le début des années 2000, la proportion de femmes parmi les étudiants dans les filières de sciences juridiques est stable (autour de 66 %). Mais cette proportion ne se retrouve pas dans toutes les professions judiciaires. Si les femmes sont majoritaires dans la magistrature et les greffes et si les professions d’avocat et de notaire pourraient devenir féminines, d’autres « paraissent demeurer des bastions masculins » : les femmes ne représentent ainsi que 23 % des administrateurs judiciaires, 27 %, des commissaires-priseurs judiciaires, 27 % des avocats aux conseils, 35 % des conseillers d’État et 38 % des huissiers.

Sur les questions de mixité sociale, le rapport s’est heurté à l’absence de données, sauf quelques exceptions (Dalloz actualité, 29 nov. 2019, art. P. Januel). L’absence de chiffres permet de masquer le problème. C’est pourquoi, « convaincu que le traitement d’un déficit de diversité constitue un travail de long terme requérant une continuité autant dans le diagnostic que dans l’action, le CND propose de constituer un Observatoire de la diversité des professions du droit ». Plus largement le CND préconise de développer la recherche sur les thématiques de diversité de genre et d’origine sociale des professions du droit, par des appels d’offres financés.

Accroître la mixité et la diversité

Le rapport s’interroge ensuite sur la faible attractivité de certaines professions juridiques en fonction du genre. Une enquête menée à la demande du CND par les étudiants d’un master 2 de Paris II Panthéon-Assas et intitulée « La magistrature fait-elle fuir les hommes ? » (publiée en annexe du rapport) propose deux explications. Interrogés « sur les obstacles de la mixité dans la magistrature, les étudiants ont mis en avant deux causes : la rémunération insuffisante (52 %) et la dévalorisation de la profession (31 %) ». « La faible attractivité pour les hommes du métier de magistrat ne procède en effet pas tant de sa sur-féminisation que du manque de prestige dans la représentation qu’ils se font de la profession ». Pour contrer ce phénomène, le CND préconise notamment de développer des actions de communication. Autre suggestion : mettre en œuvre une politique effective d’égalité entre les femmes et les hommes dans le déroulement des carrières (en particulier dans les professions réglementées).

Sur la mixité sociale, le CND relève que les étudiants en fac de droit sont moins homogènes socialement que dans les grandes écoles : 40 % des étudiants inscrits en licence de droit bénéficient d’une bourse sur critères sociaux (35 % en master), soit des taux bien supérieurs aux écoles de commerce (13,5 %) ou aux grands établissements publics (21,5 %).

Pour casser les barrières sociales à l’entrée des professions, le CND n’est pas favorable à l’abandon de l’épreuve écrite de culture générale. Il souhaite plutôt développer l’enseignement des humanités à l’université et le tutorat pour les étudiants les plus modestes. Autre proposition : « développer des filières sélectives dans les facultés de droit, avec prise en compte, outre le mérite, de critères sociaux dans le choix des étudiants sélectionnés », qui serait un moyen de réduire la fracture entre université et grandes écoles.

Les recrutements en cours de carrière doivent être encouragés. Concernant la magistrature, des réflexions sont d’ailleurs en cours, à l’ENM et à la DSJ pour refondre la troisième voie d’accès à la magistrature, afin de renforcer son attractivité.

Enfin, « une des raisons de la désaffection des métiers du droit relevant de la fonction publique pourrait tenir à une insuffisance, réelle ou supposée, de leur rémunération comparée à celle des professions réglementées qui serait, suivant un stéréotype répandu, plus élevées. » Le CND préconise d’engager une réflexion sur l’adéquation des rémunérations aux niveaux de responsabilité et que les étudiants soient mieux informés sur ce sujet. De manière générale, pour conjurer les fausses représentations des étudiants sur les métiers du droit, le CND recommande la création d’un module obligatoire en licence sur les métiers du droit.