Façon « Top Chef » sur M6, deux équipes d’élèves en tablier s’affrontent dans une salle du Château de Nanterre. Pour remporter cette compétition surprise organisée par leur formateur, l’objectif est clair : proposer « le meilleur des cocktails » – cela va du choix des ingrédients au nom donné au breuvage, jusqu’à la mise en scène finale, avec la photo la plus « instagramable » (la plus belle sur les réseaux sociaux).
C’est finalement le cocktail nommé Smoked on the breakfast qui tire son épingle du jeu. Sa composition respecte la règle des « 3 S » apprise le matin même. Cognac et vermouth blanc pour le strong (« puissance »), du verjus pour le sour (« acidité »), et le sirop d’un croissant récupéré du petit-déjeuner pour le sweet (« douceur »), que les élèves ont choisi de faire infuser dans une casserole. Clou du spectacle : l’élixir est fumé – ou devrait-on écrire « smoked » – au bois de hêtre, puis servi sous cloche encore vaporeux.
Les apprentis ont commencé leur formation de « barman responsable » depuis quelques heures à peine et semblent déjà avoir de la bouteille. Leur cocktail aux ingrédients made in France pourrait être vendu à prix d’or dans un cabaret club branché de l’Est parisien, et ses volutes likées des milliers de fois sur les réseaux sociaux.
Potager et plantes aromatiques
L’exercice illustre bien le créneau de l’école qui les accueille pendant deux jours : La Source, une « food school non académique », souhaitant former, en des temps records, des profils variés aux métiers de la nouvelle restauration. Cette jeune école, qui se dit « à contre-courant » des formations traditionnelles, mène la vie de château depuis mai 2019. Elle s’est installée à 200 mètres de la station RER « Nanterre-Ville », dans un monument historique transformé en tiers-lieu consacré à la transition alimentaire. Le site choisi était jadis entouré des champs de menthe du Docteur Pierre : il y fabriquait de la pâte dentifrice et de l’alcool. Aujourd’hui, ses terres abritent un jardin en permaculture, avec un potager et des plantes thérapeutiques. A l’intérieur, les associations et entreprises résidentes partagent avec La Source des bureaux, des cuisines et des laboratoires, pour expérimenter l’alimentation de demain.
A la rentrée prochaine, l’école devrait y ouvrir son restaurant d’application, utilisant une partie des fruits et légumes du jardin. « Nous sommes partis d’une feuille blanche pour moderniser les contenus de formations, on ne voulait pas préparer à un CAP cuisine, par exemple », détaille Alexandre Panza, bientôt quadra, ancien ingénieur dans les télécoms et cofondateur de La Source avec Laurent Perlès. « J’ai baigné dans la restauration toute ma vie, mais pour ma mère, qui est cheffe cuisinière dans un univers trop masculin, il était hors de question que je fasse ce métier. Elle avait décrété : “tu feras ingénieur comme ton père”. »
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