« Rien que d’y penser, j’en ai des sueurs froides », souffle Laura, 29 ans. Au début de sa carrière, cette diplômée d’un master de lettres à la Sorbonne a enchaîné les stages en agence média et les contrats en production audiovisuelle. « Je devais passer ma journée au téléphone pour caler des rendez-vous ou les invités des émissions. A chaque fois, le simple fait d’appeler me rendait malade. »
Balbutiements, transpiration excessive, anxiété : la jeune femme présente quelques symptômes de « téléphonophobie », ou « peur du téléphone » – l’expression détient même son entrée sur Wikipédia. Elle développe alors des stratégies pour s’en sortir. Avant chaque appel, elle travaille un brouillon sur Word listant les phrases qu’elle devra prononcer. « J’étais terrorisée par l’improvisation, raconte-t-elle. Quand mon téléphone sonnait sans prévenir, je courais aux toilettes pour que la personne laisse un message et que je puisse la rappeler en m’étant préparée. »
Plus ou moins envahissantes, ces angoisses vis-à-vis des appels téléphoniques sont courantes chez les jeunes diplômés, surtout lors de premières expériences
Peur de ne pas maîtriser la situation, de ne pas savoir quoi dire, d’avoir « l’air bête », d’être jugé ou moqué par ses collègues, de mal s’exprimer, de déranger… Plus ou moins envahissantes, ces angoisses vis-à-vis des appels téléphoniques sont courantes chez les jeunes diplômés, surtout lors de premières expériences. Un phénomène paradoxal, quand leurs aînés imaginent que cette génération « née avec » le téléphone portable serait forcément à l’aise avec les technologies de la communication.
Plus largement, la peur du téléphone rejoint une forme d’anxiété sociale liée au regard de l’autre. Pour Antoine Pelissolo, professeur de psychiatrie à l’université Paris-Est Créteil et chef de service au CHU Henri-Mondor (Val-de-Marne), la tâche est doublement complexe : « Ce n’est pas naturel d’avoir un échange privé avec des gens autour. Je dois être convaincant au téléphone tout en essayant de faire bonne figure devant mes collègues, spectateurs de l’appel. Mais plus on essaie de trouver des parades, plus on sera vulnérable. Il vaut mieux se forcer : souvent, il suffit de peu pour dépasser son angoisse. »
Séminaire de formation
Pour aider les jeunes à se sentir moins fragiles face à l’exercice du traditionnel « coup de bigo », Toulouse Business School organise depuis trois ans un séminaire de « formation à la conversation téléphonique » à destination de ses 450 étudiants de première année de bachelor, en partenariat avec Booge, agence toulousaine spécialisée dans la relation client. Comment surmonter l’angoisse ? Par la préparation. Comme un comédien avant de monter sur scène, travaillant son texte, sa voix, sa respiration, l’employé novice se devrait de répéter avant de décrocher son téléphone.
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