Dans une note datée de janvier 2020, présentée lors du dernier comité de suivi de la réforme du lycée, les inspecteurs généraux dressent un constat mitigé. Certes, la réforme permet «une ouverture plus grande que les anciennes séries; des combinaisons inédites, avec une assez grande variété ; la satisfaction évidente des élèves et des familles d’avoir choisi. Et un accroissement de l’offre de formation». Elle observe cependant des inégalités territoriales dans la mise en œuvre. Et anticipe de possibles tensions la rentrée prochaine, liées à des suppressions de postes dans certaines disciplines, conséquence indirecte de la réforme. La question des moyens devrait se poser d’autant plus qu’il devrait y avoir une «forte demande des options de mathématiques» en terminale (maths complémentaires et maths expertes). Par un effet de vase communicant, les options d’art, de langue vivante 3 ou encore de langues anciennes, réduites à de petits effectifs d’élèves, «risquent de ne plus pouvoir être financées».

Un «élément de complexité»

Pour les inspecteurs, «en tout état de cause, le financement des options en classe de terminale sera un point très sensible de la rentrée 2020». La Cour des comptes et l’OCDE ont pointé maintes fois le coût excessif des multiples options au lycée, une spécialité française. La réforme Blanquer, qui n’a pas pour objectif de «faire des économies», affirme sans cesse le ministre, en permettra-t-elle malgré tout? Les inspecteurs alertent également, comme d’autres avant eux, sur un point noir de la réforme, l’organisation des E3C, ces épreuves communes de contrôle continu qui ressemblent à des partiels. Organisées depuis mi-janvier dans les lycées, elles constituent un «élément de complexité excessive». Il semble «que se soit instituée une confusion entre la logique de la certification (l’examen du bac, NDLR) et la logique de la formation, qui devrait être au cœur de la réforme. Le poids des E3C déséquilibre l’ensemble au détriment de la formation». Et de critiquer «des élèves constamment sous la pression de l’évaluation».

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Depuis les premières épreuves, qui se tiennent officiellement du 20 janvier à début mars, ces évaluations que passent les élèves de première dans le cadre de la nouvelle formule du baccalauréat sont soumises à des perturbations: blocages, refus de surveillance des enseignants, et même reports d’épreuves pour 15 % des lycées, selon le ministère de l’Éducation nationale. Les perturbations «restent marginales», a rappelé mercredi Jean-Michel Blanquer: «Il manque entre 50.000 et 70.000 copies aujourd’hui (…) sur 1.600.000», a-t-il précisé.

Depuis la fin des vacances d’hiver de la zone C - qui regroupe l’Île-de-France et Toulouse -, les perturbations des E3C ont repris dans quelques lycées, à Paris, mais aussi en Seine-Saint-Denis. Réunie cette semaine, la coordination régionale d’Île-de-France continue à dénoncer les «conditions de passation qui ne garantissent pas l’égalité devant les examens», les menaces d’exclusion ou de zéro pour les élèves perturbateurs. Et une «répression policière exceptionnelle». Ce professeur du lycée Lakanal (Sceaux) se dit ainsi outré par la garde à vue, quelques heures, d’un élève bloqueur cette semaine. Il décrit un lycée divisé entre les enseignants, très remontés, et les parents, surtout soucieux du fait que leurs enfants passent l’examen. «Ils sont tous macronistes. La réforme ne leur pose aucun problème», regrette-t-il.

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Il n’empêche, face à cette contestation renouvelée, certains proviseurs, comme au lycée Turgot, à Paris ont décidé de jeter l’éponge. «Ils ne peuvent pas passer leur temps à organiser des sessions d’examens qui ne se tiennent pas», note Philippe Vincent du Snpden-Unsa. Il faudra attendre la mi-mars, date de réunion du comité de suivi de la réforme pour savoir quelles notes seront retenues pour les jeunes empêchés de présenter l’épreuve: notes de l’année, du bulletin scolaire? Il n’est par ailleurs pas exclu que des lycéens ayant refusé de passer l’examen écopent d’un zéro. Jean-Michel Blanquer devrait annoncer un allègement de ces E3C pour la deuxième session prévue fin avril. Et pour l’an prochain.