Peut-on défendre l’égalité entre les sexes et vouloir faire classe « à part » ? Se dire féministe et scolariser fillettes d’un côté, petits garçons de l’autre ? Aux Etats-Unis, où la non-mixité n’a jamais totalement disparu du paysage scolaire, ces questions ne choquent pas (ou peu) la communauté éducative.
En France, quarante-cinq ans après la loi Haby qui a rendu obligatoire la mixité dans l’enseignement primaire et secondaire, elles font naître le soupçon. Celui d’un retour en arrière, d’un repli sur soi idéologique, voire communautaire.
Stéréotypes sexistes persistants
Des familles poussent pourtant la porte d’établissements qui dérogent à la règle de la mixité. Et pas seulement pour des raisons religieuses, assurent-elles, ni pour que les filles y soient éduquées « comme des filles », et les garçons « comme des garçons ». Dans la bouche de ces parents, il est aussi question d’une « entrée dans l’adolescence pacifiée », de la recherche d’un climat scolaire « apaisé ». Quelques-uns y voient simplement une « autre » option. D’autres, un moyen d’échapper au collège de secteur. Tous – ou presque – avancent un même argument : la mixité, introduite en France plus pour des raisons pratiques que sociales ou pédagogiques, n’implique pas une égalité de traitement sur les bancs de l’école, où les stéréotypes sexistes, comme partout ailleurs, perdurent.
« Ces familles ont envie que leur enfant se sente bien, ce qui est louable, mais élever son enfant dans un cocon le prépare mal à affronter un monde mixte diversifié multisocial et multiculturel », fait valoir Francette Popineau, porte-parole du syndicat majoritaire de professeurs des écoles publiques.
« La demande d’établissements où la mixité est aménagée est, aujourd’hui, plus forte que l’offre » Diane Roy, de la Fondation pour l’école
Dans le public, justement, en dehors des maisons d’éducation de la Légion d’honneur – création napoléonienne réservée aux jeunes filles –, on ne recense aucun projet de ce type. Et pour cause : la non-mixité y est perçue comme un choix à contre-courant du « vivre-ensemble » défendu par l’école de la République. Voire comme une option interdite, ce qu’elle n’est pas tout à fait, un texte de loi « passé relativement inaperçu » permettant, depuis 2008, d’organiser des « enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe », rappelle l’historien Claude Lelièvre.
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