Il a fallu quelques jours à Pauline Laby, enseignante à Paris et mère de trois enfants de 2, 4 et 7 ans, pour « envisager l’inenvisageable » : que l’école se ferait désormais, et « jusqu’à nouvel ordre » selon Emmanuel Macron, depuis son salon.
« A force d’entendre que le scénario à l’italienne, ce n’était pas pour la France, on avait fini par croire qu’on passerait entre les mailles du filet », reconnaît la jeune femme. Un filet qui, dans des dizaines de pays désormais, maintient les écoliers, collégiens et lycéens en confinement. « Mais pas en vacances », n’a cessé de marteler, depuis le début de la crise sanitaire, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, en appelant à la mobilisation de tous – élèves, enseignants et parents – pour assurer, à distance, la « continuité pédagogique ».
« C’est inédit, reprend Pauline Laby, porte-parole du SE-UNSA à Paris. Et même pour moi qui ne suis pas un parent lambda, puisque enseigner est mon métier, il faut du temps pour trouver ses marques et relever le défi. »
Ce temps, beaucoup de familles ne se le sont pas accordé : dès le lundi 16 mars, au premier jour de la fermeture des classes, le nombre de connexions simultanées au CNED, l’opérateur officiel de l’école à distance, et aux espaces numériques de travail – les « ENT » – dont dispose chaque établissement, ont grippé la machine. Le gouvernement avait pourtant martelé que « tout était prêt », et assuré que les serveurs pourraient supporter que 12,7 millions d’enfants les sollicitent en même temps.
« On a tout stoppé »
L’agacement, dans les foyers, n’en a été que plus vif. Certains, échaudés, comptent déjà les « jours perdus ». « Lundi, on n’arrivait pas à se connecter pour aider la petite dernière, raconte Dalila Benhadda, mère de cinq enfants, dont trois scolarisés entre le CE1 et la terminale, à Sevran (Seine-Saint-Denis). Il a fallu tout nous renvoyer par mail. Résultat, on s’y met seulement maintenant, et on est déjà en retard », confiait-elle mercredi.
D’autres parents, au contraire, regrettent d’en avoir déjà « trop ». « Si ça continue à ce rythme, on ne va pas y arriver, confie Guillaume Tixier, journaliste, confiné avec ses jumelles dans son appartement de Belleville, à Paris. Il faut leur dicter des choses, prendre des photos des dessins, envoyer des mails aux maîtresses… »
Jongler entre le travail scolaire et le travail des parents. S’occuper des courses et de la maison. Et, surtout, rester patient. « Les filles me disent aujourd’hui que la classe leur manque, alors qu’elles ont sauté de joie en apprenant la fermeture des écoles ! », maugrée-t-il.
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