Si le suspense n’est pas encore levé pour les 750 000 lycéens concernés, le premier ministre, Edouard Philippe, vient néanmoins de leur adresser un signal : « Je crois que c’est sur la piste du contrôle continu complet qu’il va falloir se reposer », a-t-il déclaré jeudi 2 avril sur le plateau de TF1, répondant à une question sur les aménagements à venir de la session 2020 du baccalauréat.
Il y a quelques semaines encore, l’introduction d’une part de contrôle continu lors des épreuves anticipées de première suscitait l’ire d’une partie des syndicats d’enseignants. Crise sanitaire oblige, alors que lycéens et enseignants voient la perspective du confinement s’allonger, l’option est en passe de s’imposer. « Il est à peu près acquis – et même définitivement acquis – que les épreuves ne pourront pas se dérouler en juin ni en juillet, a reconnu le chef du gouvernement, écartant d’emblée l’hypothèse d’un report du calendrier. Ces épreuves devront être organisées d’une façon totalement neuve et originale, soit en conjuguant au contrôle continu une épreuve, soit avec du contrôle continu complet. » La responsabilité du choix, Edouard Philippe la laisse à son ministre de l’éducation lors d’une « prochaine occasion », a-t-il dit. Cela pourrait être clarifié très vite : une conférence de presse est envisagée, rue de Grenelle, vendredi.
« Il y aura « forcément une dose de contrôle continu, lors de l’examen, avait prévenu Jean-Michel Blanquer, le 30 mars, sur Europe 1. La question est de définir jusqu’à quel point, où est-ce que nous mettons le curseur. »
Pour y parvenir, les syndicats d’enseignants et de proviseurs ont été consultés ces derniers jours, un à un. L’occasion de voir se dégager un objectif partagé : de la FSU à l’UNSA en passant par le SGEN ou le SNALC, il y a urgence à trouver la « moins mauvaise solution » dans une période où il n’est « pas question de se diviser », selon le mot de Stéphane Crochet, du SE-UNSA. Voilà pour le principe.
Quelles notes prises en compte ?
Sur la forme, autrement dit sur le nombre d’épreuves finales maintenues – ou abrogées –, tout dépendra de la date de reprise des cours, fait-on valoir dans les rangs syndicaux. Si elle pouvait avoir lieu le 4 mai – « scénario » évoqué par M. Blanquer –, le SNES-FSU, majoritaire dans les établissements du secondaire, voudrait voir maintenues deux épreuves terminales, dont une « par exemple dans la matière dominante de la série », défend Frédérique Rolet, sa porte-parole. Edouard Philippe semble pencher pour une seule.
Mais si le confinement dure plus longtemps ? Le gouvernement semble prêt à écouter l’option qui lui a été soufflée par la communauté éducative : délivrer le baccalauréat en fonction des résultats obtenus avant la fermeture des établissements, ce qui équivaudrait peu ou prou à renoncer aux écrits terminaux. En tout cas pour la majorité des élèves : ceux dont la moyenne se situe entre 8 et 10, « voire un peu en dessous, pour faire preuve d’indulgence », pourraient être convoqués, plaide-t-on dans les rangs du SNPDEN-UNSA (majoritaire chez les chefs d’établissements) comme du SE-UNSA.
« Ce sont aussi ceux que l’école à la maison met aujourd’hui à la peine », pointe Jean-Rémi Girard, du SNALC. Dans cette hypothèse, la session 2020 se limiterait à des épreuves de rattrapage – un peu comme ces oraux traditionnellement convoqués en juillet, après les résultats du premier tour du bac.
Reste à savoir quelles notes seraient prises en compte pour valider l’examen. Le SGEN plaide pour celles de la « fiche avenir » qui a servi pour Parcoursup – c’est-à-dire les résultats des lycéens sur les deux premiers trimestres de terminale. Cette option aurait le mérite d’éviter la « course aux notes » quand le confinement prendra fin. La FSU, elle, aimerait voir convoqués des « jurys académiques » pour examiner le livret scolaire des lycéens – ainsi, il n’y aurait pas que les notes prises en compte mais aussi les appréciations des enseignants », défend sa porte-parole, Frédérique Rolet.
« Mes élèves paniquent »
Du côté des lycéens, l’inquiétude est forte. « Passer du jour au lendemain à 100 % de contrôle continu, c’est nécessairement source d’inégalités », souligne Héloïse Moreau, présidente de l’Union nationale lycéenne, qui préférerait un maintien d’épreuves avec un « barème adapté » ou des « sujets fléchés vus en cours ». Voire des oraux, comme après Mai 68, « mais pour tous les lycéens », dit-elle.
« Depuis que le gouvernement parle d’aménagements, mes élèves paniquent, souffle Solène, enseignante en Seine-Saint-Denis qui a requis l’anonymat. Ils s’interrogent déjà sur la valeur d’un bac 2020 donné à tout le monde. Pour eux, l’examen n’est pas qu’un rituel de passage : ils sont souvent les premiers dans leur famille à le passer. En attendant les clarifications promises, ils sont extrêmement stressés… et moi avec eux. »
D’autres pays n’ont pas tergiversé : au Royaume-Uni, les élèves ont appris que les diplômes de fin d’année (GCSE et A-Level) seraient validés « d’une manière juste et qui protège les intérêts des écoliers », selon l’expression du premier ministre, Boris Johnson, dans la foulée de l’annonce de la fermeture des établissements. En France, même un accord de principe sur les aménagements à moyen terme n’exclut pas une future passe d’armes, alors que la session 2021 du bac doit faire peau neuve – une promesse de campagne du candidat Macron.
Le maintien des épreuves selon le calendrier prévu, du 17 au 24 juin, était jugé encore techniquement possible par les proviseurs il y a quelques jours. Cela n’est plus le cas.
Depuis lundi 30 mars, les lycéens de 1re peuvent consulter leurs copies, corrigées et annotées, de la première session d’épreuves communes de contrôle continu (E3C). La passation de ces écrits, introduits par la réforme du baccalauréat, a été contestée dans de nombreux lycées en février. Leur correction semble avoir été moins problématique, selon le ministère de l’éducation : les lycéens concernés ont accès à leurs copies en se connectant sur leur « espace candidat », explique-t-on, en précisant que la mise en ligne est « en cours » et « échelonnée » entre les rectorats. Il restait avant le confinement une poignée de lycées (à Paris principalement) où les E3C avaient dû être plusieurs fois reportées. La deuxième session, déjà programmée fin mai, semble compromise par la crise sanitaire, aux dires de nombreux proviseurs d’établissement. Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, doit s’exprimer sur les aménagements du baccalauréat 2020 dans les jours qui viennent.
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