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Education

Les écoles de commerce percutées par la démondialisation

La crise du coronavirus conduit à la fermeture des frontières partout dans le monde. Mais le phénomène pourrait se prolonger heurtant violemment le modèle de nos business schools.

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Le campus de Skema à Sophia Antipolis.

L'école possède 7 campus dans le monde

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C’est leur marque de fabrique, la clé de leur succès. L’ouverture sur le monde et l’internationalisation des programmes sont au cœur de la stratégie des business schools françaises. Cela vaut à une vingtaine d’entre elles, comme HEC, l’Essec et l’ESCP, d’être régulièrement classées parmi les meilleures pour l’enseignement du management. Depuis la mi-mars, ce puissant moteur est l’arrêt. En quelques jours, la crise du coronavirus les a obligées à rapatrier leurs étudiants et à faire repartir les étrangers.

"Dès le début de la crise, 500 de nos étudiants sont rentrés de Chine, raconte Alice Guilhon, la directrice de Skema, même si une centaine d’autres a préféré rester sur place tout en étant confinés." Même reflux pour l’Edhec qui dispose notamment d’un accord avec les prestigieuses universités de Tsinghua à Pékin et de Berkeley en Californie. Depuis le 25 mars, ses 10.000 élèves suivent les cours en ligne comme dans la majorité des établissements de l’enseignement supérieur.

Lire aussiLe classement 2020 des écoles de commerce

Un modèle fondé sur l'ouverture internationale

Le business model des écoles de commerce est percuté de plein fouet alors que la pandémie se propage. Chaque année, elles envoient quelque 30.000 étudiants à l’étranger lors d’échanges académiques. Elles en reçoivent encore plus de l’étranger grâce à leurs bachelors en anglais et leurs masters of science ultra-rentables, calqués sur le programme Grande école. "Cela va remettre en cause notre vision et notre politique internationale, reconnaît Jean-François Fiorina, directeur de Grenoble Ecole de Management.

C’est aussi une copie blanche pour réécrire ce que doit être un manager dans le monde d’après." Effectivement, comment ne pas être impacté quand la moitié de l’humanité est confinée et que les nationalismes sont de retour ?  "Nous travaillons sur l’hypothèse d’une baisse de 25 % des recrutements cette année, soit environ un millier d’élèves, indique Alice Guilhon. Mais je pense que ce sera moins." Selon elle, le trou d’air devrait plus probablement coûter 10 à 15 millions d’euros sur un budget annuel de 103 millions.

Des campus aux quatre coins du monde

En une décennie, cette école s’est hissée parmi les meilleures écoles de commerce françaises et talonne désormais le top 6 national. Dans le palmarès des meilleures écoles de commerce de Challenges, publié en décembre, elle devance même HEC sur les critères internationaux avec quatre campus à l’étranger, dont la Chine, les Etats-Unis et le Brésil, en plus de Lille, Sophia Antipolis et Paris. Le dernier ayant ouvert en janvier à Cape Town, en Afrique du Sud. Les élèves des classes prépas plébiscitent cette globalisation. Cette année, Skema est ainsi devenue l’école de commerce comptant le plus d’inscrits au concours d’entrée avec 7.854 candidats issus des prépas.

Comme à Skema, c’est une transformation spectaculaire qu’ont menée les directeurs d’école ces dernières années. Pour obtenir de précieuses accréditations internationales, telles Equis et AACSB, tous ont multiplié les doubles diplômes avec des universités étrangères, internationalisé leur corps professoral, et rendu obligatoires les stages professionnels hors de France. L’année de césure permettant, elle, de s’immerger dans un pays et une culture pour mieux en apprendre la langue. Mais le coronavirus a stoppé le mouvement. La date des écrits du concours n’est pas connue et les oraux ont été annulés. L’onde de choc est considérable. Désormais l’apprentissage du monde se fait derrière son ordinateur. Et cela ne s’improvise pas. "Nous avons formé en quelques jours 250 professeurs, raconte Emmanuel Métais, le directeur de l’Edhec. Car il ne s’agit pas de réciter sa leçon pendant deux heures devant la caméra. Il faut séquencer le cours avec des prises de parole et du travail individuel."

Penser l'ère post-globale

Mais les cours à distance ne remplaceront jamais l’expérience d’un séjour à l’étranger. Alors en attendant que la ronde autour de la terre reprenne, chacun pare au plus urgent. Skema a l’intention de reporter certaines des 70 embauches programmées. Paris School of Business compte sur la dizaine de campus dans le monde de son actionnaire, Galileo Education, pour développer ses cours sur place. "Mais les écoles françaises ne sont pas très fortes pour recruter localement", reconnaît son directeur Armand Derhy. "Nous sommes préparés à l’ère post-globale, affirme de son côté Emmanuel Métais. Nous n’avons pas de site de production du savoir à l’étranger, donc nous ne sommes pas exposés à la déglobalisation." 

Reste que la force du modèle des écoles de commerce est aussi de favoriser l’insertion des diplômés à l’étranger, souvent à des salaires bien supérieurs qu’en France. Ainsi, selon l’enquête Insertion 2019 de la Conférences des Grandes Ecoles, près d’un quart des jeunes managers commencent leur vie professionnelle hors de France. Et les deux pays les plus prisés sont le Royaume-Uni et la Chine. Il n’est pas sûr que cette tendance se confirme.

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