De retour chez ses parents à Toulouse le temps du confinement, Baptiste* a préféré l’herbe verte du jardin familial au goudron parisien. Sauf qu’après cinq années de liberté, le futur diplômé de 24 ans a « globalement la flemme de s’adapter », provoquant parmi les membres du foyer « une à deux grosses tensions » par jour.
« Malheureusement, l’un des rares trucs qui peut nous unir, c’est “Koh-Lanta”, le vendredi soir sur TF1… Le problème, c’est que j’aime bien faire ce que je veux quand j’ai décidé que je le ferai », nous dit-il. Aîné de sa fratrie, Baptiste a quitté le nid à 19 ans pour une école d’ingénieurs à Bordeaux, puis à Paris. Embauché ensuite dans une banque à Londres, l’étudiant a complété son pedigree par un master à Singapour dans une école de commerce, validé par un dernier stage en finance à Paris. « J’ai mes habitudes : quand je bosse, je suis du style à commander un Deliveroo, raconte-t-il. Je dîne dans des boîtes en carton, je les jette et c’est bon. J’ai du mal à changer mon mode de vie pour mes parents. Je préférerais faire ma vie, manger seul s’il le faut. »
« Exilés du Covid-19 »
Les jeunes représentent une part importante des « exilés du Covid-19 » qui ont fui les grandes métropoles à l’annonce du confinement. Selon une enquête sur « L’exode sanitaire », réalisée par Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet pour la Fondation Jean-Jaurès, 28 % des moins de 35 ans ont quitté la capitale, la plupart rejoignant leurs parents. Mais tous n’étaient pas préparés à une « re-cohabitation » de longue durée à la maison, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
Quel que soit le contexte, ce retour au bercail fait resurgir les relations du passé. C’est l’une des conclusions de l’ouvrage de Sandra Gaviria, professeure de sociologie à l’université du Havre, intitulé Revenir vivre en famille. Devenir adulte autrement (Le Bord de l’eau, 248 pages, 20 euros). « Ce qui change avec le confinement, c’est que les jeunes ont eu le choix de rentrer ou non, souvent conscients de leur incapacité à supporter trop longtemps la solitude. Mais s’il y avait conflit avant leur départ, les tensions reviennent automatiquement », observe la chercheuse.
« Etre “fille ou fils de” installe une dimension hiérarchique : je suis autonome mais je me maintiens à ma place d’enfant », Elsa Ramos, enseignante en sociologie
Baptiste semble d’ailleurs peu s’émouvoir des étincelles avec sa mère : « On est sanguins, ça a toujours fonctionné comme ça, dit-il. Même à 30 ans, je continuerai à me comporter comme un bébé. Je sais que je pourrais aider, mais je suis chez mes parents, je me fais servir. » De son côté, sa mère y voit une forme de « provocation ». « Cela ne peut pas continuer comme ça un mois de plus, assure-t-elle. Il va falloir qu’on trouve un terrain d’entente. »
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