Quel avenir pour la vie du cinéma ? Comment même l’évoquer, alors qu’elle est suspendue à l’extraordinaire incertitude du moment, dont on ne sait combien de temps elle nous confisquera, combien de morts elle enjambera avant de se dissiper.
Et pourtant. Confiné, sidéré, le milieu du cinéma n’en bruisse pas moins de mille préparatifs, de mille espoirs, de mille plans sur la comète d’une reprise – juin ? juillet ? – dont les conditions lui demeurent inconnues. A bas bruit, on se prépare. On voit les films. On communique discrètement. On fourbit ses armes pour le rush de la fin du confinement. Cela concerne, au premier chef, les sorties en salle. Mais aussi les festivals à venir, contraints aujourd’hui, grands ou petits, de se positionner, fût-ce dans le brouillard et la tourmente.
Trois solutions s’offrent à eux. L’annulation, le report, la conversion numérique. Le nombre de paramètres qui déterminent leur réflexion est suffisamment important pour qu’on s’interdise de les comparer terme à terme.
La taille du festival, son enjeu économique, sa situation géographique, sa chronologie rapportée à celle de l’épidémie, la présence ou non de sections compétitives, sa spécialisation éventuelle en termes de genre, sont des critères qui les distinguent.
Jouer la carte du numérique
On sait ainsi comment Cannes, le premier d’entre eux, mal placé sur le chemin dévastateur du Covid-19, a réagi, en misant sur un report à la fin du mois de juin. Si toutefois le ciel ne s’éclaircissait pas à cette date, quelle décision prendrait le festival ?
Thierry Frémaux, son délégué général, nous le précise : « En cas d’annulation, une conversion au numérique ne saurait être actuellement envisageable car les producteurs et auteurs eux-mêmes ne l’accepteraient sans doute pas. Le sens n’y serait pas : un festival comme Cannes est précisément un lieu où on se retrouve physiquement dans une salle avec les artistes, les professionnels et la critique. Wimbledon [la compétition de tennis], qui vient d’être annulé, ne peut pas se jouer dans des courts privés, match par match. »
A cet égard, Visions du réel, festival sis à Nyon, en Suisse, offre un exemple diamétralement opposé. Encore plus directement menacé que Cannes en raison de sa date (il devait se tenir du 17 avril au 2 mai), cette manifestation, l’une des plus importantes dans le domaine du documentaire, a très rapidement décidé de jouer la carte du numérique.
Sa déléguée artistique, Emilie Bujès, s’en explique : « Nous avons estimé, eu égard à la détresse qui s’est emparée du milieu et à l’embouteillage qui sera fatal au moment du déconfinement pour les nombreux films en attente, que nous devions jouer notre rôle en montrant ces films coûte que coûte. Nous saisissons ce moment comme un challenge et une opportunité de toucher plus de gens de par le monde, aussi bien pour les films que pour le marché. »
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