Coronavirus : les armateurs français demandent un « plan Marshall » pour sauver le maritime
L'organisation patronale des armateurs maritimes français change de capitaine en pleine tempête. La filière, qui représente quelque 26.000 emplois directs en France, en appelle au chef de l'Etat pour un plan d'aide.
Par Denis Fainsilber
Passation de témoin en pleine tempête à la tête d'Armateurs de France. Jean-Marc Roué, par ailleurs président du directoire de Brittany Ferries , quitte la présidence du syndicat patronal du transport maritime français. Tâche qui échoit désormais pour deux ans à Jean-Emmanuel Sauvée, cofondateur et président de Ponant , la compagnie de croisières haut de gamme détenue par le groupe Pinault. Dans le petit monde du maritime hexagonal, le nom de l'ancien officier de la marine marchande avait fait surface en septembre dernier.
C'est évidemment un contexte exécrable pour les armateurs tricolores qui exploitent un millier de navires, du plus grand d'entre eux, CMA CGM, jusqu'aux petits exploitants de navires spécialisés, des activités offshore à la pose de câbles sous-marins. Tandis que le transport maritime assure près de 90 % des échanges mondiaux de marchandises et 78 % des importations françaises, la profession, sur le plan mondial, est actuellement désorganisée comme jamais.
La réduction drastique des échanges commerciaux entre les continents se solde par un grand nombre de voyages annulés, tandis qu'en raison des confinements, totaux ou partiels, imposés dans un très grand nombre de pays, des dizaines de milliers de navigants sont bloqués sur leurs navires à travers la planète. Autre blocage perturbant grandement la filière : la suspension des visites périodiques ou occasionnelles d'experts dans les ports, afin de maintenir la classification des navires.
Sauver le marin tricolore
Dans son discours de fin de mandat, Jean-Marc Roué a lancé un SOS à l'adresse d'Emmanuel Macron. « J'en appelle au gouvernement pour sauver le marin tricolore et les emplois qu'il représente. J'en appelle à l'Etat pour, dès à présent, prévoir un Plan Marshall du 'shipping' français ! […] Ouvrons au plus vite le dossier du soutien à notre filière que Bruxelles nous permet désormais. D'autres secteurs économiques ont déjà lancé leurs balises de détresse. La nôtre doit être vue, et de loin ! » a-t-il dit ce lundi. Les aides d'Etat, autorisées par la Commission pour le secteur maritime, « sont plus largement autorisées dans le contexte de crise que nous traversons », plaide-t-on dans son entourage.
Prévoir la relance
Quant à Jean-Emmanuel Sauvée, dont les luxueux navires de croisière ne seront plus opérés « a minima jusqu'au 15 mai », il sort déjà son sextant pour fixer un cap à l'issue de la tempête : « Pour traverser une telle crise, il faut s'appuyer sur les valeurs de notre secteur : solidarité, professionnalisme, pragmatisme et dialogue constant avec toutes les parties prenantes. Une fois la crise sanitaire passée, la relance sera un enjeu prioritaire. Elle devra être la plus rapide et la plus efficace possible ; nous y travaillons déjà activement en prenant en compte toute la diversité des armateurs français », déclare-t-il.
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Le poids économique du transport maritime se résume en quelques données : au total, Armateurs de France fédère 26.000 emplois directs, dont 16.000 marins, répartis dans 60 entreprises. Les effectifs sont beaucoup plus élevés en tenant compte des emplois indirects (agents maritimes, assureurs, chantiers navals, sociétés de classification, etc.).
Transition écologique
La crise mondiale qui a pris par surprise le transport maritime, comme tous ses clients, survient alors que le secteur était engagé dans un profond mouvement de verdissement de sa flotte. En témoignent les commandes de navires carburant au gaz naturel liquéfié, émanant de CMA CGM (9 porte-conteneurs) comme de Britanny Ferries.
« Comparé aux marchandises transportées, le transport maritime est déjà le moyen de transport le plus écologique, ce qui ne veut pas dire qu'il est suffisamment propre », commente un spécialiste de Bureau Veritas, alors que l'Organisation maritime internationale (OMI) a imposé au « shipping » une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Avant la crise actuelle, les experts prédisaient une croissance du trafic maritime de 35 à 40 %, en tonnes transportées d'ici à 2050… Des prévisions qui peuvent désormais glisser avec l'impact de la nouvelle crise économique.
Denis Fainsilber