« C’est une lueur d’espoir au bout du tunnel », concède Caroline (tous les prénoms ont été modifiés), après l’annonce de la réouverture « progressive » des écoles à partir du 11 mai. Depuis quelques jours, la rumeur prédisait un autre scénario, selon lequel elles resteraient fermées jusqu’en septembre.
Caroline fait partie de ces parents pour qui « l’école à la maison » est « un enfer ». La perspective de voir la situation durer était particulièrement décourageante.
Pour elle, une anecdote résume tout : « Le coup des crayons de couleur, ça m’a tuée. » Au cours de la troisième semaine de confinement, elle s’aperçoit que sa fille, en garde partagée, a oublié ses crayons de couleur chez son père. A priori, rien de grave. Mais à l’heure de la distanciation sociale, tout prend des proportions étranges.
« La maîtresse exigeait que le coloriage soit fait au crayon, et pas au feutre. » Et voilà Caroline partie « faire la queue pendant quarante-cinq minutes devant le Monoprix », pour racheter les précieux crayons, « avec les autres clients qui nous regardent de travers parce qu’ils soupçonnent ma fille d’être un porteur sain ». Entre-temps, l’enfant commence à avoir faim et l’attestation de déplacement approche de la péremption…
« Partis bille en tête »
Comme tous les parents d’élèves, depuis la fermeture des établissements scolaires, le 16 mars, Caroline a dû mettre en place « l’école à la maison » avec sa fille, en CE1 dans une école privée de l’Est parisien. « J’ai fini par poser des jours pour m’en occuper, raconte-t-elle. C’était ingérable. Je ne sais pas qui a pu penser qu’on pourrait télétravailler en supervisant les cours à la maison. Parce qu’on ne peut pas. »
Portés par les injonctions de « continuité pédagogique », parents et enseignants sont « partis bille en tête », rapporte ainsi Julie, qui élève seule sa fille de 11 ans en Seine-Saint-Denis. « Les premiers jours, on a reçu des dizaines de mails. Les profs envoyaient les exercices sur trois canaux différents. Ils croyaient bien faire, mais personne ne nous a expliqué comment nous y prendre. »
De nombreux parents se retrouvent alors à « jouer à la maîtresse », un rôle dont ils se seraient bien passés. « En CE1, on n’est pas autonome, mais alors, pas du tout », s’étonne William, père de trois filles et confiné à Paris. « Un enfant de cet âge-là, il faut lui faire un point sur la feuille pour qu’il sache où écrire ! » Face à l’ampleur de la tâche, le père de famille s’est mis d’accord avec sa compagne, salariée en entreprise : c’est lui, indépendant, qui a mis son activité de chasseur d’appartements en pause pour s’occuper de l’école.
Il vous reste 69.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.