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ANDRÉ SANCHEZ

« Si on ne peut pas produire de spectacles à la rentrée, le pire s’annonce » : le coronavirus, crash test pour le secteur de la culture

Par  et
Publié le 21 avril 2020 à 02h03, modifié le 21 avril 2020 à 20h27

Temps de Lecture 18 min.

Tous les deux jours, Richard Patry va au cinéma. Le sien, à Elbeuf (Seine-Maritime), où il est né et habite, là où tout a commencé. Il l’a acheté à 24 ans avec l’argent des banques. A 55 ans, il possède 74 écrans, surtout en Normandie. Il a une tendresse pour son Grand Mercure. Il n’y a plus d’affiches dans le hall. Personne à la caisse. Il descend dans la grande salle, s’assoit au milieu. « Et là, parfois, je suis en larmes. » Pas un spectateur depuis le 14 mars. Quand il fait ses courses, il passe devant le bâtiment et croise son public, dans la rue, à distance.

Jean-Marc Pailhole pleure, lui aussi, quand il se rend dans son Cargo de nuit, une salle de concert de 350 places à Arles (Bouches-du-Rhône). « Dans le silence, j’entends la musique des concerts passés, j’entends les gens heureux, et je repars avec mon blues. » Jean-François Chougnet, lui, dirige le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille : « C’est horrible, les œuvres sont comme abandonnées. » Parfois, il les prend en photo. Pour se donner du moral, il jette un œil sur le jardin qui surplombe la mer, « magnifique en cette saison ». Olivier Haber pilote la Seine musicale, salle de 6 500 places à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il lâche : « Tous les jours, je fais le deuil des spectacles que j’annule. »

Il y a 2 000 cinémas en France, 2 500 salles de musique, 3 000 librairies, 1 200 musées, 16 000 bibliothèques, 1 000 théâtres. Un maillage du territoire unique au monde. Des lieux en dur, comme on dit, où se retrouve le public toute l’année. Des lieux qui donnent le tempo de la France culturelle et tissent du lien social. « On se rend compte maintenant qu’ils sont précieux pour notre santé mentale », confie Jean-Marc Pailhole.

Ces lieux sont petits ou gros, privés ou publics, appellent le silence ou la clameur, mais leurs patrons se retrouvent dans cette phrase de Shakespeare, relayée par le metteur en scène Peter Brook et Olivier Mantei, directeur du Théâtre des Bouffes du Nord et de l’Opéra-Comique, à Paris : « The readiness is all [“il faut être prêt à tout”]. »

« De la sidération à la dépression »

Nous avons écouté une trentaine de ces directeurs. Pour comprendre ce qu’ils ressentent et ce qu’ils font. « Je suis passé de la sidération à la dépression », résume Richard Patry. Ils ont dû accepter des fermetures bien plus longues que prévu. Oublier les spectacles passés, qui marchaient fort, dit Olivier Mantei. Ecouter du chant grégorien, comme le fait Chris Dercon, président du Grand Palais, à Paris. Hervé Chandès, directeur de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, relit Paul Virilio, qui a théorisé la notion d’accident planétaire, ou médite un bout de papier griffonné par l’artiste Raymond Hains : « Aujourd’hui, c’est quand même formidable parce que c’est aujourd’hui. »

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