Résidence universitaire Evariste-Galois, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), troisième étage, bâtiment B. Vendredi 17 avril, l’heure du déjeuner s’annonce. Mohammed Hassan, 25 ans, étudiant en master de sciences de la santé, prépare son repas. Pas de quoi décourager le cafard en train de courir sur son plan de travail. Partager ses jours, ses nuits, son sommeil avec des blattes et des punaises de lit, c’est, depuis plus d’un mois, le quotidien de centaines d’étudiants logés dans des bâtiments insalubres du campus scientifique de l’université de Lille.
Au sein de la métropole lilloise, ils sont 5 700 étudiants à passer la période de confinement dans un logement social étudiant. Ceux qui peuvent débourser 330 euros habitent les confortables studios de 18 m2 avec douche et coin cuisine dans l’une des élégantes résidences récemment sorties de terre ou tout juste rénovées. Ceux qui ont dû faire le choix d’un loyer plus modeste (162 euros) doivent supporter de vivre 24 heures sur 24 dans les chambres de 9 m2 des vieux bâtiments des résidences Bachelard, Camus et Galois.
« Ce n’est pas cher, admet Fares Gasmi, 26 ans, étudiant en master automatique et systèmes électriques, mais c’est horrible. Quand je suis arrivé, j’ai été choqué de réaliser qu’en France, il est possible de louer des logements dans cet état. » Sur les murs de nombreuses chambres, l’humidité forme une couche de moisissure autour des fenêtres. En ce qui concerne les sanitaires, mixtes et collectifs, nombre d’entre eux sont bouchés, les autres sont sales et la pression de l’eau est insuffisante dans les étages supérieurs. Un bâtiment est quasi dépourvu d’eau chaude, a contrario la chaudière d’un autre tourne à fond malgré la température printanière alors que les têtes thermostatiques des radiateurs sont cassées et la chaleur étouffante.
Mais ni la vétusté des immeubles ni l’étroitesse des cellules n’inquiètent plus les étudiants que l’omniprésence de cafards et de punaises de lit, encore plus insupportables en ces temps de confinement. « Ils sont partout, dans les canalisations, derrière les plinthes, dans les murs », témoignent les résidents. Les mesures de désinfection prises par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) sont sans effet. « On ne peut pas dormir, témoigne Ahki Mahamat, 27 ans, en master de génie mécanique, les punaises sortent dans l’obscurité, s’endormir est un calvaire quand on sait que nuit après nuit, on va se faire piquer. » « Etre confiné avec des cafards c’est terrible, lâche Brahim El Medhi, 27 ans, en licence de littérature arabe, je ne peux pas m’y habituer. » Mais il n’y a pas d’échappatoire pour ces résidents dont la famille est très éloignée, souvent en Afrique ou dans un département d’outre-mer.
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