La crise sanitaire représente un événement important pour les bibliothèques.
Combien pensent que la bibliothèque est le centre de gravité de la vie des individus ? Les journées d’étude, les congrès et la presse professionnelle sont révélateurs de ce nombrilisme. Nous ne sommes pas indispensables à la vie de la Nation. Certes nous sommes utiles et accompagnons les usagers en leur proposant des ressources capables de transformer leur vie. Mais nous ne sommes pas indispensables. Y croire serait une fois de plus l’expression du syndrome du bibliocentrisme.
Avant le web, les bibliothèques jouissaient d’un monopole sur l’accès aux savoirs et aux connaissances grâce à leurs collections. Mais ce tropisme des collections devrait être révolu. D’en avoir fait l’alpha et l’oméga de la profession sans prendre en compte l’évolution des usages numériques a conduit les bibliothèques à être reléguées en deuxième division.
L’indispensable médiation
A l’heure où le web fournit un accès à un océan de contenus, comment faire pour repérer, choisir et découvrir ?
Avec le confinement, nous disposons d’un temps supplémentaire que nous devons combler. Avec des plateformes de musique, vidéos ou lecture disposant d’un catalogue dont le temps de visionnage dépasse l’ensemble d’une vie, l’accès aux contenus n’est plus un problème. Tout le monde a compris que tout se jouait désormais dans la recommandation… sauf peut-être les bibliothécaires.
Evidemment, des bibliothèques s’y mettent, mais en renvoyant souvent vers leurs offres numériques en réalisant la promotion de ces ressources mais pas de la médiation. Cette stratégie ne vise pas à faire coïncider un besoin informationnel avec un contenu.
Accès verrouillé vs accès ouvert
Promouvoir nos services verrouillés, c’est prendre le risque que des usagers ne parviennent pas à accéder aux contenus en raison des difficultés d’utilisation de ces plateformes. Le S.A.V auprès des usagers est plus difficile en période de confinement. En ne proposant que nos ressources, nous risquons de nous couper d’une partie des usagers qui bénéficient d’un accès ultra simplifié à des plateformes commerciales voire illégales.
Par ailleurs, le modèle d’accès des plateformes comme PNB [Prêt numérique en bibliothèque, dispositif proposé par les acteurs de la filière du livre, sous l’égide du ministère de la Culture, ndlr] est un problème. Il est bâti sur un système de jetons attribués par titre. Au-delà de la limite fixée par les éditeurs, il faut racheter le livre. Alors que beaucoup d’offres commerciales sont exceptionnellement gratuites pendant le confinement, les éditeurs qui proposent des titres via PNB ont-ils supprimé le nombre de jetons pour permettre un accès le plus large ?
Prendre le train en marche
Ce ne sont pas nos ressources numériques qui feront de nos bibliothèques des établissements modernes. Notre résilience réside dans notre capacité à comprendre les enjeux de la médiation numérique des savoirs. Intégrons le web dans nos activités bibliothéconomiques pour être en phase avec les pratiques actuelles des usagers. Inscrivons-nous dans l’écosystème de leurs usages en concevant des dispositifs de médiation adaptés. Cette voie sera la seule qui nous permettra de justifier notre utilité.
Références
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