Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, n’en a jamais fait mystère. En temps de confinement, les lycéens de la voie professionnelle sont considérés comme les plus « à risque » face au décrochage. Alors, lorsqu’il s’agira de décider, fin mai, si oui ou non les lycéens retourneront en classe, ces élèves seront prioritaires a confirmé Edouard Philippe, le 28 avril, lors de son discours à l’Assemblée nationale.
Cette filière, qui compte 650 000 jeunes, dont 100 000 en CAP, regroupe les élèves les plus fragiles sur le plan scolaire, « qui sont aussi les plus fragiles socialement », rappelle Vincent Troger, chercheur au centre de recherche en éducation de Nantes et spécialiste de la voie professionnelle.
Bien avant le confinement, on retrouvait ces lycéens dans les données de l’éducation nationale sur le décrochage. Selon une étude portant sur un panel d’enfants entrés dans le système scolaire en 2007, 60 % des élèves sortis sans diplôme sont issus de la voie professionnelle.
Le nombre d’élèves « injoignables » depuis le début du confinement est préoccupant. Selon le Snetaa-FO, syndicat majoritaire chez les enseignants de la « voie pro », « environ 10 % à 15 % de lycéens ont décroché », avance le secrétaire général, Pascal Vivier, qui enseigne le français et l’histoire en filière professionnelle, à Nice. « Dans les CAP, ce chiffre monte à 50 %, assure le syndicaliste. Ce sont souvent des jeunes en grande difficulté scolaire, depuis de nombreuses années. Je ne sais pas si on faisait des miracles auparavant, mais maintenant on ne les a même plus sous la main. »
Un « geste professionnel » irremplaçable
Pour les lycéens professionnels, l’enseignement à distance est une gageure. Majoritairement issus de milieux sociaux défavorisés (ils sont plus de 50 % d’enfants d’employés et d’ouvriers), ces élèves ont plus de risques d’avoir des conditions de confinement difficiles et un accès limité au numérique.
Au-delà de ces difficultés, la voie professionnelle est en soi contradictoire avec la notion d’enseignement à distance. « D’une manière générale, on travaille peu chez soi dans cette filière, rappelle M. Troger. Toute la pédagogie est concentrée sur la classe », pour des élèves qui ressentent fortement « la contrainte de la forme scolaire » et pour qui le travail pratique relève d’une « mise en action » salutaire.
« Dans l’ensemble, nos élèves ont des problèmes de mobilisation dans la tâche », confirme Laurent Hisquin, professeur d’électronique au lycée Robert-Schuman d’Avignon. Dans ce contexte, les enseignants s’efforcent avant tout de « maintenir un lien » avec leurs élèves, sans leur « courir après » sur le rendu des travaux. « Si l’un d’entre eux ne m’écrit pas parce qu’il n’a pas d’accès à un ordinateur, ça me va », explique l’enseignant, pour qui il est impossible de jauger « les conditions de confinement » de chaque élève.
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