« Remettre notre fille à l’école pour éviter que son handicap ne s’aggrave encore mais en risquant de la contaminer ? Franchement, on ne sait pas quoi faire ! » A l’autre bout du téléphone, la voix de Khadra Gaillard tremble de colère. Loubna, sa fille autiste de 10 ans, inscrite en école primaire en région grenobloise, fait partie des « publics prioritaires à rescolariser » dès le 11 mai, selon Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale.
Les élèves porteurs de handicap, pour qui l’enseignement à distance peut être particulièrement problématique, du fait de leur maîtrise partielle du langage et des outils numériques, de leur façon d’apprendre à part, pourront revenir en classe au tout début du déconfinement. « Ils sont susceptibles de venir à l’école plus souvent que les autres », a précisé M. Blanquer dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, le 30 avril.
Avec Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, ils se sont exprimés à plusieurs reprises ces derniers jours sur l’urgence du retour en cours pour ces enfants. Sans pour autant lever toutes les interrogations.
« Comment vous voulez expliquer à ces enfants qu’ils ne doivent pas toucher les affaires des autres, qu’ils ne doivent avoir aucun contact avec leurs copains ? », s’emporte Khadra Gaillard. Paralysée par la peur d’avoir « tout fait de travers », inquiète que sa fille « n’accumule encore plus de retard », le retour à l’école le 11 mai est, à ses yeux, « une double peine ».
« La maison, ce n’est pas l’école »
La « continuité pédagogique », appelée de ses vœux par l’éducation nationale, a pourtant été ardue. « On a voulu prendre le relais, mais notre fille n’avait aucune envie de faire les activités scolaires avec nous ! » Caroline Boudet, auteure de L’Effet Louise (Stock, 250 p., 19,50 €), s’est retrouvée à la maison avec sa fille de 5 ans, atteinte de trisomie 21. Scolarisée à Nantes, « Louise n’a pas compris pourquoi on ne partait plus à l’école le matin ».
Pour les enfants porteurs de handicap, travailler à la maison est antinomique. « La maison, ce n’est pas l’école, donc impossible que mon fils fasse ses devoirs ici », soupire Peggy Faugeras, mère d’un garçon autiste de 11 ans. Avec l’arrêt des cours en présentiel le 16 mars, ces parents ont découvert la difficulté de s’inventer enseignants. « Je suis ingénieure, mais ce n’est pas pour ça que je sais faire ! », fulmine Khadra Gaillard, dépassée par les pictogrammes envoyés par l’éducatrice spécialisée et les outils de l’orthophoniste.
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