Elle réfléchit quelques secondes et dit : «Un champ de bataille.» Yannick Tolila-Huet, responsable des chambres mortuaires des hôpitaux Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine) et Bichat dans le XVIIIe arrondissement de Paris, ne voit pas d'autre expression pour ces semaines entre la mi-mars et la mi-avril, lorsque le Covid-19 n'était plus une menace mais une calamité. Le «pic» tant annoncé et redouté se matérialisait. Les corps affluaient des services de réanimation. Jusqu'à 50 par jour, trois fois plus que la norme. Des familles perdues, accablées, parfois agressives. «Tous les jours, je pleurais. Je me disais qu'on ne s'en sortirait pas, qu'il y avait trop de problèmes à gérer. Mais on s'en est sortis.» Avec une fierté revendiquée : aucun corps, même au pire moment, n'a été laissé par terre, sur le béton de la morgue du sous-sol. Tous ont pu être conservés dignement.
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Retour du calme
Aujourd'hui, Yannick Tolila-Huet, 58 ans, infirmière aux cheveux gris et courts, lunettes en écaille, ne pleure plus. Ce matin de la fin avril, elle est avec son équipe de quatre «soignants» dans la petite pièce de repos de la chambre mortuaire de l'hôpital Beaujon. Elle tient à ce mot, «soignants». «Nous sommes un