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Tribune

Opinion | Le confinement accroît aussi les inégalités entre les générations

Les conséquences économiques du confinement, notamment le poids de la dette qui va en ressortir, seront intégralement supportées par les jeunes générations, écrivent ​Paul-Adrien Hyppolite et François Lévêque.

Une patiente de 82 ans s'apprête à quitter le service de soin intensif de la clinique de l'Estrée de Stains (Seine-Saint-Denis).
Une patiente de 82 ans s'apprête à quitter le service de soin intensif de la clinique de l'Estrée de Stains (Seine-Saint-Denis). (Benoit Tessier/Reuters)

Par Paul-Adrien Hyppolite (ingénieur du corps des Mines), François Lévêque (économiste, professeur à Mines ParisTech)

Publié le 11 mai 2020 à 19:30

Les inégalités dans le confinement généralisé ont été très largement soulignées ces derniers temps : inégalités des enfants devant la fermeture des classes, inégalités des salariés face au télétravail, inégalités des familles selon les lieux d'habitation, etc. Le déconfinement progressif devrait permettre de les réduire. Y compris l'une d'entre elles, plutôt passée inaperçue jusqu'ici : les coûts du confinement sont et devraient être essentiellement supportés par les jeunes générations, tandis que les plus âgés en sont, toutes proportions gardées, les principaux bénéficiaires. Explications.

Le confinement généralisé qui visait à « aplatir la courbe » de la pandémie - autrement dit à ralentir la diffusion du virus - a produit deux effets. D'une part, il a évité la sur-saturation des services hospitaliers et permis ainsi une meilleure prise en charge des cas graves qui a limité le nombre de décès. D'autre part, il a retardé l'infection et donc allongé la durée de vie de ceux qui finiront malheureusement par en mourir même avec des hôpitaux non saturés une fois le confinement levé. 

Une mortalité accrue par l'âge

Or, plusieurs études ont montré que le taux de mortalité du virus augmente exponentiellement en fonction de l'âge . En France au 21 avril, 71 % des personnes atteintes du Covid-19 décédées à la suite d'une hospitalisation avaient plus 75 ans, soit environ 9.000 personnes. Rappelons que cette classe d'âge ne représente qu'un peu moins de 10 % de la population française. On décompte aussi près de 8.000 décès hors hôpital de résidents d'établissements pour personnes âgées. Les ordres de grandeur sont les mêmes dans d'autres pays. En Italie, par exemple, 84 % des décès recensés au 17 avril concernaient des personnes de plus de 70 ans. 

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En se fondant sur les données italiennes disponibles dans le domaine public - plus détaillées que les françaises - et en supposant de façon conservatrice que le taux d'infection actuel et celui qui prévaudrait en l'absence de confinement sont répartis de façon homogène le long de la pyramide des âges, 81 % des années de vie sauvées grâce à la politique de confinement généralisé se concentrent parmi les plus de 60 ans.

Si l'on considère que la valeur d'une année de vie supplémentaire est la même quel que soit l'âge, nul doute que le confinement bénéficie avant tout aux plus âgés. Les plus jeunes ont certes en moyenne davantage d'années de vie à « gagner » en minimisant leur exposition au virus, mais leur taux de mortalité est si faible relativement que cela ne suffit pas à équilibrer l'équation. 

Dette publique colossale

Qu'en est-il à présent de la répartition des coûts du confinement ? Ce débat est nécessairement plus spéculatif, car en partie dépendant de choix politiques à venir. Néanmoins, il nous paraît important de mettre en évidence quelques points saillants.

Premièrement, le confinement généralisé entraîne des coûts immédiats intégralement supportés par les actifs, autrement dit les plus jeunes : pertes de revenus (plus ou moins élevées selon le secteur d'activité et le statut professionnel), risques de faillite, de perte d'emploi, etc.

A ce stade, les inégalités décrites précédemment n'ont toutefois rien d'inéluctable.

Deuxièmement, les politiques appropriées mises en place par le gouvernement pour atténuer l'ampleur de ces pertes et le plan de relance qui devrait suivre, une fois la pandémie passée, vont engendrer une dette publique colossale. Une chose est certaine : le poids de cette dette devra bel et bien être assumé , que ce soit par les contribuables via l'impôt, par les épargnants via l'inflation, ou par les créanciers, via un défaut souverain (avec toutes les conséquences que ce genre d'épisode entraîne ensuite pour les contribuables et les épargnants). La tentation sera grande de reporter les questions difficiles à plus tard en misant sur la croissance future. C'est un pari sur l'avenir dont le risque reposerait entièrement sur les jeunes générations actuelles. 

Entendons-nous bien. Il ne s'agit là en aucune façon de remettre en question le bien-fondé de la politique de confinement, mais simplement de souligner les conséquences distributives majeures qui en résultent de facto entre générations. A ce stade, les inégalités décrites précédemment n'ont toutefois rien d'inéluctable : les coûts du confinement pesant sur les plus jeunes sont par exemple atténués par une ouverture prioritaire des classes aux enfants qui en ont le plus besoin . En outre, des choix politiques pourraient venir équilibrer leur répartition dans le temps, en veillant notamment à ce que les actionnaires et les créanciers des entreprises aidées participent demain à l'effort commun de redressement, limitant ainsi le poids des dettes publiques qui reposeront pour les décennies à venir sur les épaules des plus jeunes.

Paul-Adrien Hyppolite est ingénieur du corps des Mines. François Lévêque est professeur d'économie à Mines ParisTech.

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