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Récit

Rentrée : garde alternée entre enseignants et parents

Des profs qui ont dû sélectionner les élèves prioritaires pour le retour à l’école, des familles qui ont choisi de garder leurs enfants… Récits de la première semaine de déconfinement.
par Cécile Bourgneuf
publié le 15 mai 2020 à 20h56

Un peu plus d’un million et demi d’élèves de primaire sont de retour à l’école, sur un total de 6,7 millions. Derrière le discours d’une grande reprise échelonnée sur plusieurs semaines, la grande majorité des élèves sont encore à la maison, et le resteront.

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Manque d'enseignants pour encadrer, de personnel de nettoyage pour désinfecter ou problème de place pour faire tenir 10 ou 15 élèves par classe avec les distances de sécurité… Au vu de la crise et du dispositif sanitaire très strict à adopter, c'est simple, il n'y a pas de place pour tout le monde. Puisqu'il faut faire des choix, priorité est donc donnée aux enfants de soignants, d'enseignants ou encore aux élèves en grande difficulté sociale, scolaire ou familiale… Charge aux enseignants de faire la sélection : «Ça a été un vrai déchirement pour décider quels élèves étaient prioritaires de chez prioritaires, confie Chloé, enseignante dans une école REP à Paris où seuls 16 élèves sur 260 seront accueillis le 18 mai. Beaucoup de nos élèves ont des difficultés sociales ou scolaires ! Ça a été très compliqué en réunion entre profs. J'ai eu l'impression de devoir vendre des cas comme aux enchères en disant "ses parents sont violents, lui sa mère est dépressive…" On voudrait les reprendre tous .»

Même lorsque les établissements scolaires ont les moyens humains ou matériels d'accueillir des élèves (ce qui est très loin d'être toujours le cas), les parents ne sont pas forcés d'y envoyer leurs enfants. Pascale, 37 ans, ne travaille pas à temps plein et a préféré garder ses deux garçons dans sa maison bayonnaise, pour le plus grand bonheur de Jules, 8 ans. «Je suis content parce que je suis plus à l'aise qu'à l'école, raconte le petit garçon. On est beaucoup en classe. La maîtresse ne peut pas tout expliquer aux élèves un par un, comme le fait maman avec moi en ce moment.» Il ne sait pas si ses copains sont retournés à l'école. Et si ce n'est pas le cas, ça a tout de suite moins d'intérêt… Au moins là, il peut s'amuser à la récré avec tous ses jouets sous la main, dont son dernier Lego dinosaure dont il pourrait parler des heures. Il assure ne pas avoir «peur du coronavirus».

Tout le contraire de Lily-Rose, 10 ans, qui n'est pas du tout rassurée par le monde extérieur, même si elle aimerait revoir ses copines. Sa mère préfère qu'elle reste à la maison en raison de l'épidémie et, de toute façon, il n'y a toujours pas de place pour sa fille. Même chose pour Benjamin, concernant sa fille Pauline, 4 ans et demi : «Elle est déçue mais comme elle n'a pas la notion du temps et pour ne pas la décevoir, on entretient le flou en disant que le Président n'a pas encore décidé.»

Victor, 13 ans, voit lui deux de ses petits frères partir chaque matin depuis quelques jours en direction de leur école à Franqueville-Saint-Pierre, en Seine-Maritime. Il aimerait bien voir venir son tour : «L'an prochain je ne serai plus avec mes amis donc c'est le seul moment où je pourrais les voir, pour leur dire au revoir.» Ce n'est pas gagné : il n'a aucune nouvelle de son collège. «J'ai envie d'avoir des cours en vrai. Je n'ai pas beaucoup de cours en visio à distance et ce n'est pas drôle d'être tout seul dans ma chambre, dit-il. Je ne peux pas poser de questions comme en classe, c'est moins vivant. J'arrive à bien travailler quand même mais je préfère avoir les explications en direct de mes profs. Ça pousse plus la réflexion.»

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