Pour le président de Sorbonne Université, mastodonte parisien de 55 000 étudiants en lettres, médecine, sciences et ingénierie, qui travaille au développement d’un enseignement « hybride » – entre cours en présentiel et cours à distance –, « tout ne peut se faire à distance ».
Comment envisagez-vous la rentrée en septembre, avec de nouveaux étudiants qui auront fini leur année de lycée le 16 mars et des règles sanitaires strictes ?
Le retour de ces jeunes à une vie sociale et collective me paraît indispensable le plus rapidement possible. Dans le respect des conditions sanitaires, bien sûr, notre priorité sera de les accueillir pour leur remettre le pied à l’étrier correctement. On ne peut se passer d’un vrai « contact » avec eux à la rentrée, tout ne peut pas se faire « à distance ».
Il nous faudra les former aux pratiques universitaires et aux outils, puis les accompagner avec des modules de tutorat et de remédiation. Derrière ce qu’on appelle pudiquement la fracture numérique pour les étudiants, ce n’est rien d’autre que la ségrégation sociale que l’on voit à l’œuvre.
Nous ne pouvons pas y remédier pleinement, mais il faut à tout prix l’atténuer, pour donner des chances réelles aux jeunes de milieux modestes de réussir leurs études. Ainsi, pour ceux qui en auront besoin, sur critères sociaux, nous allons mettre en place un welcome pack [pack de bienvenue], avec les équipements nécessaires pour travailler correctement à distance.
Etes-vous prêt à déployer un enseignement à distance plus généralisé, notamment pour les cours magistraux, comme le prévoit le gouvernement ?
Nous y travaillons. Mais il ne s’agit pas juste de remplacer le cours en amphi par des cours enregistrés et retransmis en ligne. C’est un enseignement « hybride » que nous construisons, ce qui nécessite du temps et une réflexion pédagogique. Cela suppose un mix entre le « distanciel » et le « présentiel ».
L’essentiel, aujourd’hui, c’est de réussir à mobiliser nos équipes, qui sont déjà éprouvées par ces semaines de confinement, avec un basculement du jour au lendemain dans un enseignement totalement à distance. L’enjeu est de transformer l’expérience accumulée en une démarche organisée et construite. Nous ne partons pas de rien, et nous revoyons nos lignes budgétaires pour renforcer les moyens des studios de fabrication et pour recruter davantage d’ingénieurs pédagogiques.
Il y a aussi une question d’infrastructure numérique nationale. Si nous sommes aujourd’hui sur Zoom [application de visioconférence] ou d’autres outils dont la France n’a pas la maîtrise, c’est parce qu’au bout de trois jours de confinement Renater, le réseau national public et sécurisé, a fait pschitt.
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