Le supérieur aux côtés des étudiants internationaux durant la crise sanitaire

Pauline Bluteau Publié le
Le supérieur aux côtés des étudiants internationaux durant la crise sanitaire
L'immense majorité des étudiants étrangers sont restés en France pendant le confinement. Nombreux ont vécu cette période dans leur chambre du Crous, comme ici à la cité universitaire de Monbois à Nancy. // ©  Fred MARVAUX/REA
Dans les résidences du Crous ou sur leurs campus, les établissements du supérieur se sont mobilisés pour offrir le meilleur accompagnement possible aux étudiants internationaux. En dehors de la continuité pédagogique et des aides financières dont ils ont bénéficié, ces étudiants ont surtout souffert de l’isolement durant la crise du coronavirus.

Avec près de 260.000 étudiants internationaux accueillis, la France fait partie des cinq premières destinations mondiales en matière de mobilité entrante. Gage d’attractivité, l’accueil d’étudiants extracommunautaires est une priorité pour certains établissements du supérieur. Une vigilance qui s'est accrue pendant la crise sanitaire où la situation a été particulièrement difficile à vivre à la fois pour les étudiants loin de leur famille et les établissements, souvent impuissants.

Gérer les départs, soutenir ceux qui restent

Le 16 mars dernier, Emmanuel Macron prenait des mesures de confinement. Les écoles et universités fermaient leurs portes jusqu’à nouvel ordre mais les cours restaient assurés à distance jusqu’à la fin de l’année. Pour les étudiants internationaux, un choix cornélien s’impose alors : partir ou rester ? "On a bien sûr laissé le choix aux étudiants, explique M’Hamed Drissi, président de la commission Relations internationales à la CGE. À ce moment-là, nous avions une vision sur la crise qui n’était pas la même que celle d’aujourd’hui. Certains pensaient qu’elle ne durerait que quelques semaines. C’est finalement toute une organisation qui a volé en éclat pour ces étudiants qui ont dû être accompagnés et aidés par les écoles."

En quelques jours, les établissements ont à la fois dû assurer la continuité pédagogique pour tous leurs étudiants sans distinction et anticiper les éventuelles difficultés des étudiants internationaux. Mohamed Amara, président de la commission Relations internationales à la CPU a préféré rester vigilant : "Les frontières ont fermé, on leur a donc dit qu’ils devaient faire attention à leur retour en France car les conditions étaient très incertaines." Dans les universités, 20 à 30% des étudiants internationaux ont quitté la France. Une fois chez eux, certains étudiants ont été confrontés à des problématiques d'ordre technique comme des problèmes de connexions Internet qu’il a fallu régler rapidement. "La consigne était de dire que quelle que soit la situation, nous devions continuer à leur offrir une formation de qualité en adaptant les modes de formation. Ce qui a été difficile, c’est que cela a été brutal", confirme M’Hamed Drissi.

Des aides insuffisantes pour les étudiants internationaux déjà précaires

Au-delà de l’urgence de la situation, les établissements se sont vite rendu compte que le plus difficile serait surtout de faire face à la montée de la précarité. Au sein des résidences Crous, les étudiants étrangers et ultramarins représentent entre 25 et 40% des effectifs par résidence. La majorité d’entre eux sont restés confinés dans leur studio. "Ceux qui restent sont souvent les plus précaires, estime Emmanuel Parisis, directeur général du Crous Lille-Nord-Pas-de-Calais. Sur le terrain, les aides financières qu’on leur propose sont les bienvenues mais elles ne couvrent pas tous leurs besoins, ne serait-ce que pour remplacer le travail informel. On ne peut rien y faire."

Il y a eu une certaine transversalité entre les équipes pédagogiques pendant la crise pour s’aider, accompagner les étudiants et échanger sur les bonnes pratiques, c'est une démarche nouvelle. (M. Drissi)

La précarité mais également le mal-être et l’isolement dont faisaient part les étudiants internationaux ont alerté les institutions. Aides financières, aides alimentaires, déploiement des services de santé universitaires, soutien psychologique… Plusieurs actions ont été menées conjointement entre les établissements et les Crous pour accompagner les étudiants pendant la crise. "On a utilisé les fonds de la CVEC et demandé le soutien des régions et départements pour réduire la précarité étudiante. Tous les acteurs étaient à la hauteur pour montrer que notre système a une bonne résilience et qu’il sait s’adapter au contexte", juge M’Hamed Drissi.

Cela n’a pourtant pas toujours été suffisant. Corinne Vadé, directrice générale du Crous Nantes-Pays de la Loire se dit désemparée face aux appels des étudiants étrangers. "Il ne s’agit pas seulement du côté financier. Nous avons reçu beaucoup d’appels téléphoniques où les étudiants nous ont fait part de leurs craintes, ils s’inquiétaient pour leur famille. Ce côté-là a été plus difficile à appréhender, c’était nouveau à la fois pour eux et pour nous."

Des efforts à poursuivre jusqu’à la prochaine rentrée

Si la crise sanitaire a ébranlé psychologiquement les étudiants internationaux mais aussi ultramarins qui ont été confrontés aux mêmes difficultés pendant la crise sanitaire, le plus dur semble être passé. À la CGE comme à la CPU, l’organisation des examens de fin d’année s’est bien déroulée. Les Crous ont assuré que les étudiants pourraient également conserver leur hébergement tout l’été au sein des résidences si besoin. Quant aux titres de séjour, ils sont prolongés de six mois, idem pour certains visas de courte durée qui arrivent à échéance.

Nous avons eu des contraintes auxquelles il a fallu faire face et se sont imposées à tous mais la moitié du semestre s’est passé normalement. (M. Amara)

Pour tous, l’objectif est désormais de préparer la rentrée afin d’accueillir les futurs étudiants extracommunautaires. Les établissements disent se préparer à une formation duale : des cours à distance en attendant de recevoir physiquement les étudiants. Des concessions sont également envisagées pour la rentrée, comme l’assure M’Hamed Drissi : "La tendance est de dire : on donne la priorité à la mobilité diplômante et à l’espace européen. Quoi qu’il en soit, la présence des étudiants internationaux est primordiale or, on sait que la crise ne disparaîtra pas de sitôt, on doit donc inscrire une organisation dans la durée."

Les étudiants en master et les doctorants sont les plus attendus. "On essaie de définir des solutions communes pour mutualiser les actions pour la rentrée. Nous avons fait un sondage auprès des universités : 75% disent que la problématique master et doctorat est prioritaire. Cela ne veut pas dire qu’on n’accueillera que ces profils mais si on doit faire des efforts particuliers, on les fera plus pour ces étudiants. Tout dépendra de la situation", concède Mohamed Amara. Les établissements continuent de répertorier les différentes alternatives possibles en espérant pouvoir donner un message clair aux étudiants pour la mi-juin.

Pauline Bluteau | Publié le