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École, université: quelles solutions pour septembre?

La rentrée de septembre peut-elle préfigurer l’école de demain, faite de pédagogies revisitées et d’un espace scolaire repensé, à l’heure de la «distanciation sociale»? Alexandre MARCHI/PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/MAXPPP

Apprentissages à distance, classes allégées, l’Éducation nationale réfléchit à ce que sera la prochaine rentrée. La préfiguration d’une transformation qui pourrait être structurelle.

À quoi va ressembler la rentrée de septembre? Peut-elle préfigurer l’école de demain, faite de pédagogies revisitées et d’un espace scolaire repensé, à l’heure de la «distanciation sociale»? «Les difficultés nous obligent à nous dépasser», martèle le ministre de l’Éducation, qui invoque «le progrès». Il voudrait sortir par le haut de cette crise qui l’a politiquement malmené. «L’école de demain sera à distance» et devra «articuler présentiel et distanciel», a indiqué en mai Jean-Michel Blanquer, qui organisera des assises sur le numérique en octobre.

Le ministre, qui défend depuis longtemps l’idée d’une école comptant plus de temps culturels et sportifs, sur le modèle allemand, vend ses «2S2C». Derrière ce jargon promotionnel, un millier de conventions signées entre l’Éducation nationale et les mairies pour proposer aux élèves des activités sportives et culturelles au sein de l’école, mais aussi en forêt, dans les gymnases, les musées, les théâtres. Un dispositif qui permettrait d’accueillir davantage d’enfants, à l’heure où le protocole sanitaire réduit l’espace dans l’école. Alors que Jean-Michel Blanquer parle de «réponse immédiate mais aussi structurelle», certains craignent déjà de voir des «garderies» s’installer sur le temps scolaire à la rentrée.

Double journée

«Il est urgent de repenser la rentrée», expliquent en chœur les syndicats d’enseignants, en ce mois de juin traditionnellement dédié à cela. Les discussions vont s’ouvrir avec le ministère. En toute incertitude. Car la rentrée dépendra de la situation sanitaire et d’un éventuel assouplissement du protocole qui n’autorise, pour l’instant, que 15 enfants par classe maximum. Le conseil d’experts scientifiques, chargé d’éclairer le gouvernement, doit se pencher, ce mois-ci, sur la question de la rentrée de septembre pour voir comment ce protocole strict «pourrait être un peu simplifié, fluidifié, à la lumière des connaissances actuelles», a expliqué son président, Jean-François Delfraissy, dimanche, dans le JDD. «On pourrait simplifier (les règles) en périscolaire d’ici à la fin juin, pendant les repas, les récréations ou le sport», a-t-il précisé.

Face à la perspective d’une part d’enseignement à distance, les syndicats préviennent déjà que les profs ne pourront assurer «une double journée». Les parents, eux, voient mal comment ils pourront continuer à gérer, de front, leur activité professionnelle et les emplois du temps à trous de leurs enfants. «Pourquoi les profs ne pourraient pas faire les deux?, s’emballe Rodrigo Arenas à la FCPE, première fédération de parents d’élèves. Nous exigeons que les enfants soient accueillis et instruits sur place ou à distance.»

Le travail à distance épuisant pour les élèves

À la Peep, la deuxième fédération, Hubert Salaün met en garde sur le «numérique», ce mot «magique» qui donne un «un peu trop vite l’impression aux politiques qu’ils sont intelligents». Pour tous les élèves, le travail en distanciel est épuisant sur le long terme, rappelle-t-il. En primaire tout particulièrement, il ne peut être qu’une «béquille», le suivi scolaire reposant, en réalité, sur les parents.

Si la situation perdure, «les compromis locaux vont prendre le pas sur le cadre national, comme nous l’avons vu pendant cette crise», explique l’historien de l’éducation Claude Lelièvre. L’accueil dépendra de l’organisation physique mise en place par l’Éducation nationale et les collectivités. Quant aux aménagements et allègements des programmes scolaires, après plus de trois mois et demi sans école, ils seront décidés par chaque établissement, voire chaque enseignant.

«Mais contrairement aux pays anglo-saxons, les cadres locaux ne font pas partie de la tradition française. Ce sera donc du local ‘‘sauvage’’», ajoute l’historien. Il pointe aussi «ces grands syndicats qui, en collant aux angoisses de leur base, n’ont été ni imaginatifs ni anticipateurs». «Comment des syndicats comme le Snalc et le Snes, attachés aux examens nationaux, ont-ils pu exiger l’annulation de l’oral du bac de français? Et comment l’Unef peut-elle militer pour le 10 minimum aux partiels? Même en 68, le syndicat étudiant ne l’aurait pas fait!», ajoute-t-il.

Les parents sont déçus. On leur a fait miroiter une reprise. On leur a vendu du rêve

Philippe Vincent

Indéniablement, la crise va laisser des traces. Les parents les plus attentifs aux devoirs ont pu voir le travail, à géométrie variable, fourni par les enseignants. Et constater, aussi, que ces derniers travaillaient peu collectivement, avec des devoirs donnés sans se soucier du travail exigé, en parallèle, par leurs collègues. Les classes surchargées, dans des locaux inadaptés, ont aussi empêché d’assurer, en mai, une «reprise», à la hauteur. «Il y a un problème de bâti. Et que dire des toilettes, du manque de savon? L’école est faite pour les adultes pas pour les enfants! C’est cela qu’il faut changer», estime Rodrigo Arenas, à la FCPE.

À la tête du SNPDEN-Unsa, syndicat de chefs d’établissement, Philippe Vincent n’envisage pas autre chose qu’un allègement du protocole pour septembre. «Aujourd’hui, les parents sont déçus. On leur a fait miroiter une reprise. On leur a vendu du rêve», explique-t-il. Selon lui, l’école ne se réinventera pas. «On ne réinvente pas la Lune! Aujourd’hui, l’essentiel du débat tourne autour de la présence des enseignants, même si certains se sont saisis d’outils, comme les classes numériques», ajoute-t-il. Il est en revanche urgent d’adapter les programmes scolaires: «L’enseignement à distance n’a pu compenser que très partiellement l’absence d’école. Sans parler d’un département comme la Martinique, où les établissements sont fermés depuis six mois», rappelle-t-il.

Quel sera, enfin, le nombre d’enseignants présents dans les écoles en septembre? À l’heure du «volontariat», 40 % d’entre eux n’ont pas repris le chemin de leur établissement. Mais dans deux mois et demi, l’école sera à nouveau obligatoire pour tous.


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250 commentaires
  • Flau

    le

    "Mais dans deux mois et demi, l’école sera à nouveau obligatoire pour tous."
    Quelqu'un pour dire à Marie-Estelle que l'école n'est pas obligatoire ? La "spécialiste" éducation de Figaro ne le sait toujours pas...

  • Tu quoque

    le

    Sports, ateliers divers, sorties ludiques et autres singeries en présentiel et en distanciel vont rythmer la vie des élèves, transformant l'école en gigantesque garderie. Faisons confiance aux destructeurs de l'école pour accélérer encore sa chute s'il est possible, avant d'aller dans la rue pour pleurnicher sur l'explosion des inégalités qui en découlera.

  • Vincent NETTER

    le

    Une solution pour respecter le principe de Précaution et de Trouille maximum : fermer définitivement les écoles (sauf les écoles coraniques) et envoyer directement les enfants en EHPAD au fur et à mesure que les places seront libérées.

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