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Etudes supérieures et insertion des jeunes : l'"effet quartier" objectivé

Issue de l'enquête Générations 2013, une analyse du Céreq et de l'ANCT met en évidence l'"effet quartier" dans les trajectoires des bacheliers des quartiers prioritaires, au-delà des caractéristiques individuelles. Les difficultés plus marquées dans les études puis l'insertion professionnelle seraient en partie liées à des problèmes d'orientation.

"Des écarts quasi systématiques aux différentes étapes [des] parcours" de formation et d'emploi, entre les jeunes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) et les jeunes issus des autres quartiers des mêmes agglomérations : c'est ce que met en évidence une exploitation de l'enquête Génération 2013 du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq – ministères de l'Education nationale et du Travail). Dans une note réalisée en partenariat avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le Céreq met en évidence un "effet quartier" spécifique et indépendant de caractéristiques individuelles (origines sociales et migratoires notamment).

Cet "effet quartier" est rattaché par les auteurs à différentes réalités : des "conditions de vie défavorables à leurs études (logement sur-occupé, équipements insuffisants)", une "ségrégation sociale qui nuit aux apprentissages (effets de pairs, affectation dans des établissements scolaires accueillant des publics défavorisés (…)", le manque d'informations en termes d'orientation et d'opportunités, ou encore "des pratiques empreintes de préjugés à leur égard, dans les phases d’orientation comme plus tard sur le marché du travail". L'étude tend à insister sur les difficultés liées à de mauvaises orientations.

Un taux de sortie sans diplôme du supérieur plus élevé

En effet, alors qu'on observe une surreprésentation des bacheliers professionnels dans les QPV (38% des jeunes contre 23% dans les quartiers voisins), la poursuite d'études parmi ces jeunes bacheliers professionnels est plus fréquente (40% dans les QPV, 33% dans les quartiers voisins). Hypothèses formulées : une "insatisfaction plus prégnante à l’égard de leur orientation à l’entrée du lycée" ou encore "des difficultés d’accès aux stages et aux contrats d’apprentissage" qui expliqueraient que les jeunes se tournent davantage, "par compensation", vers l'enseignement supérieur. Les auteurs précisent que cette "différence de comportement" s'observe "à caractéristiques identiques" entre les jeunes des QPV et ceux des quartiers voisins, ce qui démontrerait "un effet propre à la résidence dans un QPV au moment du bac".

"Qu’ils soient bacheliers professionnels, technologiques ou généraux, les jeunes des QPV postulent moins souvent aux filières les plus élitistes (IUT, écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art...) et davantage aux formations de proximité (les STS [sections de technicien supérieur], 45 % de bacheliers des QPV contre 32% des bacheliers des AQUUE [autres quartiers des unités urbaines englobantes]) ou non sélectives (l’université)", poursuivent les auteurs de l'étude. A caractéristiques égales, le taux de sortie sans diplôme du supérieur est plus élevé chez les jeunes des QPV que chez ceux des quartiers voisins, en particulier à l'université (45% contre 29%). Pour les auteurs, "les jeunes de QPV 'paient' alors une orientation contrariée ou inadaptée dans l’enseignement supérieur, qui ne correspond pas au premier choix formulé, et a conduit respectivement 40% et 31% des titulaires d’un bac pro et d’un bac technologique à intégrer ce cursus, pour lequel ils ont été peu préparés (contre respectivement seulement 20% et 17% des jeunes des AQUUE issus de ces filières de bac)".

Une insertion professionnelle plus difficile

Quant aux sortants de l'enseignement supérieur, ils atteignent des niveaux de diplôme moins élevés que leurs voisins des autres quartiers. En outre, le fait d'arrêter ses études entre bac+2 et bac+4 "relève plus souvent de motifs contraints pour les bacheliers de QPV", notamment de freins financiers ou de "l’absence de la formation visée à proximité".

Conséquence de ces niveaux de diplôme inférieurs, les jeunes issus des QPV rencontrent davantage de difficultés d'insertion : "37% d’entre eux sont dépourvus d’emploi trois ans après leur sortie de formation initiale, contre 22% pour leurs voisins de l’époque des AQUUE ". En matière d'accès à l'emploi, l'"effet QPV" serait limité par rapport à l'importance du niveau de diplôme, mais ce dernier est forcément "le produit du parcours d’études qu’il couronne", un parcours "fortement conditionné à ses différentes étapes par le fait de résider, au moment du bac, en QPV". "A cet égard", concluent les auteurs, "plusieurs décennies d’éducation prioritaire et d’accompagnement éducatif visant les jeunes de milieux sociaux défavorisés laissent un bilan mitigé au regard des inégalités scolaires massives qui subsistent".