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Tribune

Opinion | Comment sauver l'apprentissage en 2020

Les apprentis risquent d'être les premières victimes du retournement du marché du travail. Pour soutenir les entreprises qui continuent à embaucher ces jeunes, le gouvernement a annoncé un plan de soutien important jeudi dernier. Mais certaines mesures pourraient aller plus loin, selon Bertrand Martinot.

«Concrètement, plus de 300.000 candidats à l'apprentissage s'apprêtent à chercher un employeur»
«Concrètement, plus de 300.000 candidats à l'apprentissage s'apprêtent à chercher un employeur» (Patrick ALLARD/REA)

Par Bertrand Martinot (directeur du conseil en formation professionnelle, Siaci Saint-Honoré)

Publié le 9 juin 2020 à 06:17Mis à jour le 9 juin 2020 à 09:00

Depuis 2016, l'apprentissage a redémarré dans le pays, mouvement qui s'est confirmé avec éclat en 2019. C'est une très bonne nouvelle, tant est avéré l'impact positif de cette voie de formation sur l'insertion professionnelle.

Les TPE les plus fragilisées

Malheureusement, les récessions sont particulièrement cruelles avec les jeunes en recherche d'un premier emploi . Non seulement parce que les entreprises tendent à se replier sur leur emploi stable, mais aussi parce que les jeunes sont plus que proportionnellement concernés par le gel des embauches qui sont la première étape du retournement du marché du travail. Ainsi, les entrées en apprentissage ont chuté de 4 % (et de 7 % au niveau CAP) en 2009. La situation sera bien plus critique cette année, pour plusieurs raisons. Parce que la récession sera beaucoup plus profonde. Parce que les secteurs les plus touchés sont aussi parmi les plus gros employeurs d'apprentis (restauration, tourisme, construction, industrie…). Enfin, parce que la moitié des apprentis, surtout les moins qualifiés, sont embauchés dans des entreprises de moins de 10 salariés, qui seront en moyenne les plus fragilisées.

Concrètement, plus de 300.000 candidats à l'apprentissage s'apprêtent à chercher un employeur. Pour ceux qui préparent un diplôme d'une grande école ou certains masters très recherchés, la difficulté ne paraît pas insurmontable. Mais pour la majorité d'entre eux, le chemin va s'avérer impraticable, l'espoir brisé et les perspectives d'emploi et de salaires durablement dégradées.

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Aide à l'embauche

Ces jeunes qui choisissent cette voie exigeante (il leur faut jongler avec les horaires, ne pas ménager ses efforts, faire preuve d'adaptabilité) méritent sans aucun doute un effort particulier. Comment faire pour sauver ce qui peut l'être ?

Il serait naturellement pertinent d'instituer une aide exceptionnelle à l'embauche, justifiée par les surcoûts liés à l'accueil d'un apprenti dans une entreprise souvent en difficulté. De ce point de vue, les annonces faites par le gouvernement la semaine dernière visant à « doper » fortement l'actuelle aide à l'embauche, sont particulièrement bienvenues. On peut toutefois regretter que les entreprises de plus de 250 salariés, qui pourraient en partie se substituer aux plus petites, y compris sur les premiers niveaux de qualification, en soient quasi exclues.

Entrer en formation tout au long de l'année

Mais un soutien financier ne suffira pourtant pas. Il faut aussi lever certains verrous. La première mesure consisterait à autoriser les CFA à conserver plus longtemps les élèves inscrits qui ne trouvent pas d'employeur. Ce délai est aujourd'hui de trois mois, il pourrait être rallongé à six mois, pendant lesquels le jeune pourrait se voir attribuer le statut de stagiaire de la formation professionnelle sous condition de ressources. Là encore, les annonces du gouvernement vont dans le bon sens, mais il faudrait aller plus loin : au-delà de six mois sans employeur, le jeune, afin de ne pas perdre son année, devrait même pouvoir continuer son enseignement en CFA, sans avoir obligatoirement à rechercher un contrat de travail.

La deuxième consisterait à permettre aux apprentis d'entrer en formation tout au long de l'année. Bien des jeunes tentant leur chance sur le marché du travail « classique » en septembre et échouant à trouver un employeur pourraient ainsi tenter leur chance en apprentissage plus tard, voire courant 2021.

Emplois réglementés

Enfin, n'est-ce pas le moment de réviser la liste des emplois réglementés dont les référentiels de formation ont été conçus sans se préoccuper de la voie de l'apprentissage ? C'est tout particulièrement le cas des métiers des filières sanitaires et médico-sociales dont nous semblons aujourd'hui redécouvrir le caractère indispensable. Pourquoi ne pas en dresser la liste et les modifier rapidement pour que davantage de jeunes puissent en bénéficier, et accroître ainsi le nombre de places en apprentissage sur ces métiers qui vont encore fortement recruter cette année ?

La mauvaise nouvelle est que l'apprentissage et sa récente dynamique sont en danger mortel et que plusieurs générations risquent d'être sacrifiées. La bonne nouvelle est que quelques mesures de bon sens, et pas insurmontables, peuvent considérablement limiter les dégâts. Alors allons-y sans tarder !

Bertrand Martinot, directeur du conseil en formation et développement des compétences, Siaci Saint-Honoré.

Bertrand Martinot

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