Insertion des diplômés : les grandes écoles « confiantes » malgré la crise annoncée
L'enquête annuelle de la Conférence des grandes écoles montre des résultats d'insertion toujours élevés pour l'insertion des jeunes diplômés, avec un taux net d'emploi à 88,1 %, malgré un léger fléchissement. Les grandes écoles se disent « confiantes » pour la suite malgré la crise sanitaire, mais le précédent de 2008 est dans toutes les têtes.
C'est la photographie du monde d'avant la crise sanitaire. La Conférence des grandes écoles (CGE) a publié, ce mardi, la 28e édition de son enquête sur l'insertion des jeunes diplômés des grandes écoles. Le taux d'insertion professionnelle y est jugé « excellent » : le taux net d'emploi à 6 mois atteint 88,1 % et 82,2 % d'embauches ont débouché sur des contrats à durée indéterminée pour les jeunes diplômés en 2019.
L'enquête, qui porte sur près de 175.000 diplômés et 195 écoles, montre des signes de « léger fléchissement » sur l'insertion en fin d'année 2019 - le taux net d'emploi à 6 mois a perdu 1,7 point en un an. Plus de 8 diplômés en emploi sur 10 sont recrutés soit avant leur sortie, soit moins de 2 mois après la sortie de l'école. Les salaires hors primes des nouveaux diplômés installés en France sont aussi en hausse de 2,3 % par rapport à l'an dernier, soit une moyenne de 35.714 euros. Quant au fléchissement constaté, il est « marginal » et peut être lié à la collecte d'indicateurs qui a débordé sur le mois de mars, au début de la crise sanitaire, relativise Peter Todd, qui a supervisé l'enquête pour la CGE. Le patron d'HEC Paris retient avant tout la « solidité du marché » comme « une bonne nouvelle pour aborder une situation difficile ».
Le précédent de 2008
Les données, collectées auprès des jeunes entre décembre 2019 et mars 2020, débouchent sur des résultats qui « n'ont pas été affectés par la crise et les perspectives de dégradation de l'économie et du marché de l'emploi qu'elle promet d'entraîner », affirme la CGE.
Quel sera l'impact de la crise sur l'insertion ? Les précédentes enquêtes de la CGE ont montré l'influence immédiate de la conjoncture sur le recrutement des diplômés des grandes écoles. Entre 2005 et 2020, la part des jeunes sortant d'une grande école en recherche d'emploi a ainsi fortement varié, entre 9 et 20 %. En 2008, avant le début de la crise financière, l'activité professionnelle avait atteint un sommet pour les jeunes diplômés. En 2010, les effets du creux de l'activité étaient particulièrement visibles, avec un doublement, en deux ans, du nombre de jeunes diplômés en recherche d'emploi. En 2020, malgré une légère dégradation par rapport à 2019, la part des jeunes en recherche d'emploi atteint 10,2 %, l'un des niveaux les plus bas observés depuis 2005.
« L'espoir que ça reparte »
Pour l'heure, « les employeurs conservent leurs engagements d'embauche », rassure Peter Todd. Toute la question est de savoir « comment l'économie va rebondir » mais « les effets sur l'insertion des diplômés pourraient êtremoins importants que lors de la crise de 2008 », estime-t-il. A l'époque, les secteurs de la finance et de la banque étaient au coeur de la tempête. Cette fois, ils restent « plutôt solides ». Ce sont l'hôtellerie, le tourisme ou le transport aérien qui sont les plus affectés. Des différences sont donc à prévoir selon les secteurs d'activité.
« Les entreprises avec lesquelles j'échange ont en tout cas compris qu'elles avaient besoin de talents et, s'il n'y a pas de changement fondamental dans le business, on peut avoir l'espoir que ça reparte », glisse Peter Todd. Et même en 2009 et 2010, lorsque la crise a montré ses effets, les jeunes diplômés des grandes écoles ont « juste pris plus de temps pour trouver un emploi, mais les embauches n'ont été que différées », indique-t-il.Les grandes écoles se disent « confiantes » pour la suite : « Nos sociétés auront besoin, pour se réinventer, des jeunes talents » qu'elles forment.
Inégalités hommes-femmes
L'autre raison d'être optimiste tient, selon le patron de HEC Paris, au recours accru au télétravail et à une flexibilité accrue née de la crise. Cela peut avoir « des changements positifs », notamment pour les femmes, dit-il, alors que l'enquête de la CGE pointe de nouveau un écart de salaire entre hommes et femmes de près de 6 %. Peter Todd évoque « des biais systématiques en défaveur des femmes dans les politiques de rémunération » auxquels il faut continuer de s'attaquer. « Ceux qui font un même travail doivent être à un niveau égal de rémunération, plaide-t-il. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. »
La part des femmes en activité professionnelle est aussi « systématiquement moins élevée que celle des hommes », relève l'enquête.
Marie-Christine Corbier