Depuis plus de deux mois, Iris, 19 ans, a dû s’habituer à un exercice inédit : répéter une pièce de théâtre derrière l’écran de son ordinateur. En ce début de mois de juin, cette étudiante de première année à l’Ecole de théâtre de Lyon et son groupe devraient être en train de jouer leur représentation de fin d’année, « une pièce sur la jeunesse, la révolte, qui demande beaucoup d’implication corporelle ». Mais le confinement, déclenché alors qu’ils se lançaient tout juste dans la création, en a décidé autrement. Les écoles ayant fermé jusqu’à la rentrée de septembre a minima, il a fallu se faire à l’idée de repousser la montée sur les planches, et toute une partie du travail qui l’accompagne.
« Avec la distance, on fait comme on peut, raconte la jeune femme, dont les cours de danse et de musique n’ont pas pu continuer en ligne. On réalise des lectures sur Zoom, on distribue les rôles… On fait tout le travail préliminaire qui nous permettra de nous jeter sur scène dès qu’on le pourra. » Il faut s’adapter aux temps de latence et aux problèmes de connexion qui coupent les répliques, mais aussi au caractère impersonnel de la caméra. « Sans partenaire devant soi, l’apprentissage n’est pas le même, soupire Iris. « On a beau s’entraîner devant son miroir, ça ne suffit pas : le théâtre, c’est du dialogue. J’ai peur de régresser. »
Théâtre mais aussi musique, danse ou cirque… L’enseignement à distance imposé par la crise sanitaire a représenté un véritable défi dans ces formations, où les cours pratiques tiennent une place majeure.
Les activités corporelles nécessitent de l’espace, une observation précise du professeur et l’utilisation de matériel, et sont donc très difficilement transposables en dehors des écoles. Encore moins dans les petits studios des étudiants. « Il a été évident qu’il serait impossible de poursuivre ce qu’on fait habituellement sur plateau », commente Sandy Ouvrier, professeure d’interprétation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) de Paris.
Apprentissages en suspens
Pour les métiers d’art, comme la sculpture ou la menuiserie, une grande partie des apprentissages, qui demandent outils et machines, ont dû être mis en suspens. A l’Institut de bijouterie de Saumur (Maine-et-Loire), où la pratique compte pour 80 % des formations, « la plupart des élèves n’avaient ni atelier ni matières premières – laiton, argent ou cire – chez eux », pointe Anne-Laure El Khaoua, responsable de la filière bijouterie. « On a parfois trouvé des astuces, comme utiliser de la pâte à modeler au lieu de la cire, précise-t-elle. Mais nos élèves sont plutôt passés sur des analyses de fabrication, malgré tout très utiles. »
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