Emilie Delorme venait à peine de prendre ses fonctions directoriales lorsque la pandémie de Covid-19 a fermé les portes du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). La période du printemps est d’ordinaire effervescente, avec sa kyrielle de concours de sortie. Tout a été stoppé net. « Ce sont des moments-clés dans la vie des étudiants, dont il a fallu faire le deuil », explique Emilie Delorme. « Entre mai et juin, nous avons annulé tous les récitals des 166 masters et examens de fin d’études de licence initialement prévus. »
Des concerts qui, au-delà de l’évaluation, ont aussi valeur professionnelle : agents, mécènes, professeurs et programmateurs viennent y repérer les artistes de demain. Au lundi 16 mars, date du confinement, la plupart des concours d’entrée dans l’établissement parisien étaient heureusement terminés. Pour les autres, le contrôle continu s’est imposé. « Les professeurs connaissent très bien leurs élèves, ce qui leur permet sans problème de les évaluer », assure Emilie Delorme.
Un avis que partage son homologue, Mathieu Ferey, à la tête du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. « On a constaté ces dix dernières années qu’un étudiant qui passe son récital de fin d’études est automatiquement diplômé », dit-il. « La décision est cependant cruelle car la prestation publique est un moment important. Pour les compositeurs, par exemple, ce concert d’une heure est l’occasion de voir leurs œuvres enregistrées. » C’est pourquoi Lyon proposera dès que possible une sorte de « festival des masters » tandis que Paris, qui envisage la prolongation de six mois de scolarité, leur offrira un concert diffusé sur Internet, au moment des festivités liées aux trente ans du bâtiment, en décembre.
Les deux directeurs se félicitent de l’extrême réactivité des professeurs, contraints d’inventer de nouvelles façons d’enseigner. C’est le cas du saxophoniste Claude Delangle à Paris. « J’ai évité à tout prix de transposer sur le Net les cours habituels », pose en préalable l’enseignant, qui a travaillé à partir d’enregistrements réalisés par ses élèves. Il leur a aussi demandé d’écrire sur leur lien à la musique. « La distanciation sociale a induit une distance dans le rapport à soi, une attitude plus professionnelle », constate-t-il. « Le musicien a l’habitude de l’oralité, l’écriture agit comme un révélateur. Certains se sont rendu compte qu’ils avaient aussi envie d’écrire… de la musique. »
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