« Pour moi, c’est la fin d’un monde qui s’achève et un nouveau futur qui émerge », avance sereinement Céline, diplômée 2019 du master « design vêtement » de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad). « Je suis d’origine chinoise, et en Chine, le mot crise se dit “wei-ji” : danger-opportunité. Cette crise est l’occasion de repenser un système de la mode devenu obsolète et de réfléchir à ma contribution », estime la jeune femme, qui venait, juste avant le confinement, de terminer son stage au sein de la maison Alaïa.
Comme beaucoup d’autres jeunes diplômés de ce secteur, Céline a vu son agenda bouleversé par la pandémie. Finaliste du prix « mode » du Festival d’Hyères – tremplin idéal pour lancer sa marque ou décrocher un job dans une maison –, elle devait présenter sa collection fin avril à la Villa Noailles. C’est là que se tient chaque année cet événement, rassemblant plusieurs milliers de personnes : presse, chasseurs de têtes et personnalités du milieu. Il a été reporté en octobre, sauf contre-ordre d’ici là.
« Pendant le confinement, j’ai nourri un autre rapport au temps. J’ai mis de côté la préparation de mes pièces pour le concours, j’ai fabriqué des masques pour des soignants et j’ai suivi un programme en éco-responsabilité mis en place par les organisateurs du festival. J’ai pris le temps de la réflexion : je veux redonner du sens aux vêtements et contribuer à une offre plus locale et plus collective dans la mode », poursuit-elle.
Un secteur en grande souffrance
Défilés de diplôme reportés à l’automne, offres de stages devenues rares, promesses d’embauche annulées… Les conséquences économiques de la crise sanitaire perturbent les projets professionnels de tous les étudiants et des jeunes diplômés, et le secteur de la mode n’y échappe pas. Pour les futurs designers, stylistes, modélistes et chefs de produits, les difficultés s’annoncent décuplées : le secteur, qui représente 154 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie plus de 600 000 personnes en France, est en grande souffrance.
La facture s’annonce lourde. Dans sa dernière étude « The State of Fashion », le cabinet de conseil McKinsey prévoit qu’un grand nombre d’entreprises mondiales de la mode fera faillite au cours des 12 à 18 mois à venir.
« Nous nous sommes heurtés à des difficultés pour les cours de pratique. La mode est une discipline du toucher ». Leyla Neri, directrice du département mode à l’école Parsons.
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