Ils sont revenus. Et leur nombre est une « heureuse surprise », disent les enseignants : plus de 80 % des écoliers et près de 75 % des collégiens ont repris le chemin de l’école depuis le 22 juin, date à laquelle le chef de l’Etat avait appelé à une rentrée « obligatoire » et dans des « conditions normales ». Mieux : ces chiffres communiqués mercredi 24 juin concernent « principalement des reprises à plein temps », souligne-t-on au ministère de l’éducation. Depuis le déconfinement, mi-mai, le ratio des élèves rescolarisés oscillait entre 20 % et 30 %, selon les niveaux, et rarement plus qu’à mi-temps.
Après trois mois d’école à distance, ce n’est pas seulement pour le ministre de l’éducation, qui a toujours défendu un retour en classe « le plus rapidement possible », que ces chiffres symbolisent une petite victoire. Dans les écoles, aussi, on s’en réjouit. « Ils sont 107 enfants sur 114 à être revenus, déclare en souriant Hervé Lalle, directeur d’école à Paris. Toutes ces semaines à rester sur le pont, à continuer à faire notre métier d’enseignant, à maintenir le lien avec les familles n’auront pas servi à rien. Mon métier reprend enfin du sens ! »
L’académie de Paris, où nombre de familles ont donné de la voix pour réclamer « leur » place, affiche un bon résultat : elle est parvenue à faire revenir 83 % des écoliers et plus de 80 % des collégiens. A Lille, y compris dans les zones défavorisées, on compte plus de 75 % des élèves rescolarisés au primaire, plus de 80 % en collège. A Créteil, ils sont 70 % à l’école comme au collège. Sabine (elle a requis l’anonymat), qui y dirige une école, dépasse de dix points cette moyenne académique, avec 182 enfants revenus lundi. « Les nouveaux venus se mêlent aux anciens [ceux à l’école depuis la mi-mai], et, finalement, la vie scolaire reprend ses droits : il nous faut gérer l’hétérogénéité des enfants… comme avant ! »
Ou presque : si le protocole sanitaire a été assoupli, les règles d’hygiène, l’organisation de la cantine et des transports scolaires, l’interdiction maintenue du « brassage des élèves » rythment ce retour en classe. Elles l’entravent, même, dans les écoles exiguës ou isolées géographiquement. Ce n’est pas le cas de celle de Sabine : le bâtiment est « récent », dit-elle, et dispose de « trois blocs sanitaires ». Il n’empêche : se laver les mains prend, chaque jour, au moins une heure, estime-t-elle.
Crainte du virus
Directrice d’une petite école du centre de la France, Delphine compte, elle, jusqu’à sept lavages de mains par jour, pour deux classes seulement. Cela n’empêche pas cette enseignante chevronnée de tendre à un « retour à la normale » avec sa classe de CM1-CM2. « Ça râle un peu parce que je les fais travailler », dit-elle. Dictée quotidienne, problèmes, évaluation de sciences ce jeudi, test d’histoire vendredi, récitation de dix poésies la semaine prochaine… « J’en fais presque un principe », soutient-elle.
Il reste, officiellement, moins de deux semaines avant les congés d’été, et les professeurs le disent : ils ne rattraperont pas le temps perdu. Au primaire, « la priorité est de reposer un cadre face à des enfants dont beaucoup ont perdu le rythme », explique Stéphane Crochet, du SE-UNSA. Au collège, cela semble plus compliqué : passé le temps des retrouvailles, les enseignants ne pensent pas garder leurs élèves bien longtemps. « Les collégiens sont revenus pour la semaine 1, ils sont sans doute même plus nombreux qu’habituellement à la même période, mais il ne faut pas compter sur eux pour la semaine 2 », dit-il. C’est un des enseignements du sondage que son syndicat a réalisé, au premier jour de la reprise, auprès de 130 écoles et de 50 collèges. D’autres écarts y apparaissent : celui entre une présence plus forte en centre-ville qu’en éducation prioritaire. Et plus forte en élémentaire qu’en maternelle, où des familles ont préféré ne pas rescolariser des enfants de petite section.
La crainte du virus et de la contagion en milieu scolaire reste forte, alors que deux écoles ont dû fermer leurs portes, à Paris, pour des cas confirmés de Covid-19. A écouter les enseignants, c’est ce « risque », plus que les problématiques d’organisation familiale, qui explique qu’un cinquième des enfants manque encore à l’appel. « Un ratio conséquent, souligne Francette Popineau, du SNUipp-FSU. Avec un protocole sanitaire réduit à sa portion congrue, on peut rescolariser plus d’élèves, c’est sûr, mais cela peut mettre en difficulté des familles “à risque” qui ne peuvent pas se permettre que leur enfant ramène le virus à la maison », dit-elle. « Cela doit nous pousser à nous interroger sur les conditions de la rentrée, reprend Sabine, directrice : les enfants qui ne reviennent pas en juin, qu’est-ce qui nous dit qu’ils le feront en septembre ? »
Les enseignants, eux, ont répondu présents : ils sont près de 9 sur 10 à avoir repris les cours, selon les estimations syndicales. Un chiffre que ne confirme pas le ministère de l’éducation, mais qui devrait répondre à la polémique sur les « enseignants décrocheurs ».
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