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La filière horticole saignée à blanc par le confinement

La filière horticole s'est trouvée privée de débouchés commerciaux dès le confinement alors que le printemps est une période cruciale pour l'horticulture. Le gouvernement a annoncé une enveloppe de 25 millions d'euros, mais cela ne couvre que la moitié des stocks que la filière a dû détruire. 

Le début du confinement correspondait avec la période cruciale de vente directe vers les jardineries et les collectivités.
Le début du confinement correspondait avec la période cruciale de vente directe vers les jardineries et les collectivités. (Alain Jocard/AFP)

Par Claire Garnier

Publié le 26 juin 2020 à 07:43

Le geste de dépit ne manquait pas d'audace : Romain Banliat, horticulteur à Plerguer (Ille-et-Vilaine), avait fin mars fleuri gratuitement les tombes du cimetière de sa commune plutôt que de devoir jeter ses jonquilles, primevères et jacinthes. Les mesures sanitaires ont, du jour au lendemain, privé les horticulteurs de débouchés, les fleurs et plantes n'étant pas des produits de première nécessité.

Or, le 16 mars, début du confinement, coïncidait avec le début d'une période cruciale pour l'horticulture. Les serres sont pleines et les végétaux prêts à être commercialisés en vente directe, vers les jardineries et les collectivités. « La période de confinement représente d'habitude plus de 50 % du chiffre d'affaires de la filière horticole », indique Julien Legrix, le directeur de la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières (FNPHP). La filière représente 3.000 entreprises de production (20.000 emplois) et 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires.

Le 8 juin, le gouvernement a débloqué une aide de 25 millions d'euros couvrant la moitié des stocks détruits. « Une goutte d'eau », déplore Christophe Thibault, co-gérant de Floratemple, au Plessis-Grammoire (Maine-et-Loire), qui réalise 70 % de son activité entre le 15 mars et le 15 mai. « Tous mes contrats avec la grande distribution, les grandes surfaces de bricolage et les jardineries ont été annulés sans compensation financière », confie le producteur, qui réalise 1,8 million d'euros de chiffre d'affaires avec 14 CDI. « Il me manque 700.000 euros », a calculé le chef d'entreprise, soit 38 % de son chiffre d'affaires annuel. Pour la coopérative Fleuron d'Anjou qu'il préside (42 millions d'euros de ventes), l'impact serait de 30 %. 

Réglementations cacophoniques

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Les producteurs ont dû composer avec des réglementations cacophoniques. Tandis que les grandes surfaces restaient ouvertes en vendant non seulement des produits de première nécessité mais aussi des végétaux, les horticulteurs ne pouvaient faire de vente directe, sauf dérogations préfectorales. Par ailleurs, la vente aux jardineries n'a été autorisée qu'à partir du 6 avril. Heureusement, la vente des plants pour potagers, autorisée le 1er avril, assortie de la livraison en drive, a sauvé certaines entreprises comme Lesueur Horticulture au Mesnil-Esnard (Seine-Maritime). « Des quantités de primo-jardiniers nous ont contactés pour acheter des plants », s'exclame Delphine Lesueur, cogérante.

Résultat, « au lieu de reconstituer leurs trésoreries comme chaque année à cette époque, les producteurs ont dû emprunter pour payer leurs fournisseurs », souligne Julien Legrix. 90 millions de prêts ont été contractés par la filière dans le cadre du prêt garanti par l'Etat (PGE). Paradoxalement, les producteurs ont eu peu recours au chômage partiel , car ils avaient besoin de personnel pour entretenir les plantes et détruire les productions non vendues. 

Pertes

La Fédération a chiffré à 200 millions d'euros les pertes de chiffre d'affaires pendant les huit semaines de confinement, à quoi s'ajouteront 200 millions de manque à gagner d'ici à la fin décembre 2020. « Leurs serres étant restées pleines sur une bonne partie du confinement, les producteurs n'ont pas pu relancer de nouveaux cycles de culture, note Julien Legrix. Et le marché des collectivités, à l'arrêt depuis mars, est toujours freiné par les contraintes sanitaires ».

1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires

Si le gouvernement réfléchit à une exonération des charges sociales patronales pour les horticulteurs les plus touchés, la compensation des pertes de chiffre d'affaires n'est pas à l'ordre du jour en France. En comparaison, le gouvernement néerlandais a débloqué 600 millions d'euros. « Les Pays-Bas vont pouvoir se relever plus vite que nous ! », enrage Julien Legrix. Le champion mondial de l'exportation de végétaux risque aussi d'écouler ses végétaux hautement subventionnés sur le marché français.

Claire Garnier (Correspondante à Rouen)

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